Transformations
- du mercredi 8 au dimanche 12 janvier
Le grand fantasme cinématographique, c’est bien sûr
la fusion des espèces. C’est amusant de se sentir proche
d’un animal, ça l’est beaucoup moins lorsqu’une partie
de soi se transforme et échappe au contrôle de
la rationalité humaine. Ces transformations sont d’autant
plus spectaculaires que les effets spéciaux et les
artifices du montage cinématographique nous donnent
l’illusion de nous montrer "pour de vrai" ce passage
interdit. Le cinéma fantastique a bien sûr exploité
cette veine, avec par exemple La Féline de Jacques
Tourneur, La Mouche de Cronenberg, L’Île du
docteur Moreau de Don Taylor ; tout comme la comédie,
même la plus noire, avec Didier d’Alain Chabat,
Batman – le défi de Tim Burton, Le Mari de
la femme à barbe de Marco Ferreri ou Sitcom
de François Ozon.
Le singe, cet homme… - du mercredi 8
au dimanche 12 janvier
Hormis les singes attaquants et King Kong, le cinéma
a fait de cet animal le fidèle compagnon de l’homme.
Une des premières à avoir joué ce rôle
est Sheeta, la guenon de Tarzan, apparue la première
fois à l’écran dans Tarzan, l’homme-singe
de W. S. Van Dyke. Servant les projets de leur maître
(Incidents de parcours de George Romero), partageant une vie
de couple avec leur maîtresse (Max mon amour
de Nagisa Oshima), ils peuvent grandir au sein d’une famille
(Washoe, le singe qui parle avec les mains de Guillaume Vincent
et Philippe Calderon), et apprendre à parler (Koko,
le gorille qui parle de Barbet Schroeder). Si proche de l’homme,
le singe peut même prendre sa place et là, le
cauchemar commence (La Planète des singes de
Franklin J. Schaffner). Mais la star incontestable des singes
de cinéma reste King Kong, grande bête à
la fois aimante et effrayante, crevant l’écran par
sa taille et sa violence.
Depuis toujours, les singes sont l’objet de curiosité
de la part des chercheurs en quête des origines de l’homme.
Le documentaire Primate de Frederick Wiseman en est
l’exemple le plus douloureux et le plus frappant. Ces images
sont devenues difficiles, tant l’humanité proche des
singes est évidente désormais. Le Singe, cet
homme de Nathalie Borgers et Pascal Picq pose de nouvelles
interrogations, remettant encore et toujours en question le
mystère de la naissance de l’homme que de trop rares
films sur la préhistoire ont tenté d’éclaircir
(La Guerre du feu de Jean-Jacques Annaud).
PROJECTIONS DEBATS
Être homme, être animal
autour de Mon oncle d’Amérique de Resnais -
mercredi 18 décembre à 19h00
Soirée présentée par Vinciane Despret,
philosophe, psychologue, enseignante à l’université
de Liège, auteur de "Quand le loup habitera avec
l’agneau" (Les Empêcheurs de penser en rond, 2002).
"Le film Mon oncle d’Amérique peut se
regarder d’abord comme le croisement d’histoires : des histoires
d’hommes et de femmes vivant leurs vies d’humains. Apparaissent
très vite, derrière ces narrations, d’autres
propositions de croisements : ceux d’humains et d’animaux
pratiquant en quelque sorte ce que le sociologue français
des sciences et techniques Bruno Latour appelle les "échanges
de propriétés" : des comparaisons sont
faites, les registres explicatifs se multiplient, s’enchevêtrent.
Le film nous invite dès lors à explorer quelques-unes
des diverses façons par lesquelles notre culture pose
la question de ce que veut dire être humain, vivre ensemble,
aimer, agresser, souffrir. De multiples versions sont proposées
: elles déclinent des manières de se présenter,
de définir la spécificité de l’homme,
ou au contraire de la brouiller. On peut alors lire le projet
de l’auteur comme une proposition politique : dans la multiplicité
des versions offertes par les dispositifs de culture, par
exemple ceux constitués par les sciences, les expériences,
la cinématographie, quelles sont les versions qui enrichissent
nos répertoires d’identités et d’actions, et
quelles sont celles qui signent leur appauvrissement ? Quelles
sont celles qui s’imposent et celles qui se proposent ? Et
bien sûr, puisqu’il est sans cesse recruté pour
construire ces versions, quel est le rôle imposé
à l’animal dans la construction de certaines de celles-ci
?" Vinciane Despret
Nos ancêtres, les
singes ? autour de Le Singe, cet homme de Nathalie
Borgers et Pascal Picq - mercredi 15 janvier à 19h00 Le Singe, cet homme sera accompagné par
Pascal Picq, paléoanthropologue et professeur au Collège
de France, auteur de Le singe est-il le frère de
l’homme ? (Le Pommier, 2002), et Aux origines de l’humanité
en collaboration avec Yves Coppens (Fayard, 2002).
Pour Pascal Picq, spécialiste de l’évolution
de l’homme, les naturalistes se sont intéressés
que très tardivement à l’étude des grands
singes, alors même qu’ils soutenaient que "l’homme
descend du singe". On s’en est tenu longtemps à
l’idée d’une espèce qui s’est progressivement
redressée pour arriver à l’homme debout. Cette
conception est obsolète aujourd’hui, notamment grâce
à la recherche sur les singes, qui confirme les données
de l’anthropologie moléculaire : les chimpanzés
sont plus proches de l’homme qu’ils ne le sont de tous les
autres singes et animaux. Pascal Picq récuse alors
le concept de "chaînon manquant" dans le contexte
de cette vision hiérarchique qui place l’homme en quelque
sorte au-dessus du singe. Ce qu’on pensait être le "propre
de l’homme", la bipédie, l’outil, le langage,
le partage de la nourriture, s’avèrent existants chez
les singes. Selon lui, il a donc existé une espèce
commune ancestrale, dotée de certaines caractéristiques
et à partir de laquelle les grands singes et l’homme
ont subi une certaine évolution.