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Colloque « Du Jeu au Je »


  Les Caprices d'un fleuve (c) D.R.

C'est à 10h30 environ, à l'Espace Pierre Cardin, que débutait le colloque sur le passage du Jeu au Je, c'est-à-dire sur ce phénomène actuel du cinéma qui voit les acteurs passer de l'autre côté de la caméra. Les intervenants étaient en majorité des acteurs devenus réalisateurs ou qui continuaient à porter les deux casquettes : Brigitte Rouän, Jérôme Auger, Patrick Dell'Isola (également producteur et scénariste), Bernard Giraudeau et Jean-François Stévenin, le producteur Marco Cherqui et la psychanalyste Françoise de Kervénoaël.

Brigitte Rouän, actrice de théâtre qui ne cessait d'écrire dès qu'elle avait un peu de temps, s'est d'abord essayé au court-métrage, avec Grosse, récompensé par un César. La réalisatrice de Post coïtum animal triste a pour projet actuel de réaliser un film sur «une bo-bo de gauche qui fait des travaux chez elle avec des sans-papiers, ce qui se révèle être un enfer ! » Une comédie au message clair : « le bonheur est multiracial ! »

« Ce n'est pas narcissique de jouer dans son film. Mon film Sa mère la pute, une commande pour Arte, est finalement le plus personnel. Mon choix pour les autres acteurs se porte toujours sur les « soi-même + » dont je me sens proche. »

Le producteur Marco Cherqui (La Bostella) est un fidèle d'Edouard Baer puisqu'il produit également son deuxième long métrage Opération Double Z, sorte de pastiche de film d'espionnage. Marco Cherqui constate que ce sont avant tout des acteurs très cinéphiles qui passent derrière la caméra et qu'ils ont une vision différente par rapport au cinéma traditionnel. Pour Jérôme Auger (acteur de télévision popularisé par son rôle dans Docteur Sylvestre), c'est surtout «une envie de donner son avis» qui l'a poussé à réaliser un film pour la télévision, dont le projet est en cours. Il s'est penché sur son éducation, sur sa relation avec son père. Il regrette la tendance actuelle de dévaloriser le travail du comédien, de l'infantiliser, alors que c'est d'abord un processus de dépouillement souvent difficile.

Le Vampire de Düsseldorf (c) D.R.

Patrick Dell'Isola rappelle que dans la préparation d'un film, la grosse censure c'est l'argent. Mais concernant son métier d'acteur, c'est « le seul moyen d'être en relation avec son enfance. » Le thème de ses films est donc avant tout la liberté, mais vue comme un outil dangereux.

Bernard Giraudeau, qui a réalisé La face de l'Ogre, L'Autre, Les Caprices d'un fleuve, entre autres, avoue avoir fait le film L'Autre sur un pari : « J'ai toujours pensé que j'étais fait pour raconter des histoires. C'est aussi une conséquence de mes déceptions d'acteur. Mais raconter des histoires en images implique une connaissance de la caméra très importante »

Pour Giraudeau, le contact avec les acteurs, après avoir goûté à la mise en scène, est bien sûr différent et beaucoup plus riche : « J'espère avoir fait des progrès en tant qu'acteur après avoir réalisé. »

Jean-François Stévenin souligne la question du temps, très importante pour s'imprégner d'un sujet : « Le scénario est complètement vital dans le processus. Il faut une énergie énorme également autour du film ». Au sujet de la direction d'acteurs, Jean-François Stévenin avoue avoir beaucoup bénéficié de la méthode de François Truffaut, «qui ne dirigeait pas apparemment, mais qui faisaient naître des interrogations, des expressions qui motivaient tout le monde. J'étais à l'école de la simplicité».

Pour clore le débat, le discours de la psychanalyste Françoise de Kervénoaël, s'est porté sur le parcours très singulier de l'acteur-réalisateur : « C'est un franchissement de seuil, une nouvelle direction, une autre position de regard, de lecture et d'écriture. C'est ce passage qui est très intéressant. Car l'enjeu de la destination comprend à la fois l'historicité personnelle de l'artiste et son dépassement. »

En réponse à une question du public portant sur une éventuelle souffrance de l'artiste pour son métier : Giraudeau conclut : « C'est avant tout un privilège inouï, une jubilation, il ne faut pas l'oublier ! »