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  Platoon (c) D.R.

Un peu comme chez Morricone en un sens, l’instrument musical semble ici pré-exister à la mélodie et au leitmotiv. Et l’on reconnaît sans mal chez Delerue son emploi infiniment tendre et légendaire de la harpe (instrument qu’il utilisera aussi bien chez Jean-Luc Godard que chez John Hughes). Et Oliver Stone d’évoquer (2) la douceur extrême de Delerue comme son trait de caractère principal. Delerue avait bel et bien un style personnel et la « dimension intemporelle » de son oeuvre réside en réalité là. Le style toujours plus fort que le temps.  

L’orchestre du Capitole dirigé ici par Stéphane Cardon a délibérément choisi la carte de la douceur, rendant ainsi bel hommage au compositeur de Roubaix. Mais un hommage peut-être trop « doux » parfois, notamment dans les scènes d’action du film, l’interprétation manquant ici ou là de dynamisme, de « piqué », voire de violence - que Delerue était justement et paradoxalement capable de cultiver (et ce, à la grande surprise du même Oliver Stone).

Georges Delerue (c) D.R.

Mais dans l’ensemble, le public du Gaumont Wilson semble avoir bien réagi à ce film et sa musique. Les quelques « bonus » d’effets sonores (cloche et autres sons enregistrés dans un piano-synthétiseur en direct) et le très beau silence d’une des scènes semblent avoir fait forte impression sur la salle. La scène dans laquelle un vieux violoniste est chahuté dans une taverne reste ainsi un beau moment. Le violoniste dans le film devient le premier violon sur scène, tous deux interprètent. Et quand le violoniste dans le film est forcé de s’arrêter, c’est un silence mémorable qui envahit toute la salle, et le visage lunaire et globuleux de Casanova. 

D’autres scènes dans Casanova mêlent ainsi les temps, la musique de Delerue étant plus d’une fois diégétique (lors de scènes filmant des musiciens). Des ponts temporels sont créés aussi lorsque Delerue imagine une des scènes de combat à l’épée, pizzicato. Sur scène, les doigts des violonistes piquent leurs cordes, leurs archets en l’air comme des épées. Et alors, on ne peut s’empêcher d’exécuter un va-et-vient constant entre l’écran et la scène, les acteurs et les musiciens dans l'action. Peut-être d’ailleurs un des intérêts majeurs des Ciné-Concerts : cette union des temps, des espaces et des corps.

  Georges Delerue (c) D.R.

Restent deux problèmes néanmoins. Le premier problème est soulevé par Philippe Sarde lorsque celui-ci décline des invitations à écrire pour des films muets. Sarde répond qu’il ne peut écrire une musique de film s’il ne peut parler avec son cinéaste. Dans le cas des films restaurés, les cinéastes sont généralement disparus. Sarde évoque en tout cas une des essences-mêmes de la musique de cinéma : le lien fondamental entre compositeur et réalisateur. Comment pouvons-nous savoir si Volkoff aurait apprécié voir son Casanova ainsi mis en musique (il est mort en 1942) ?