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  Cinéma Lumière (c) Nicolas Journet

A la fin de la projection-débat, rapide passage à la Chapelle des pénitents bleus où les marathoniens du scénario courent toujours après le temps. Depuis mercredi 10 heures, les trente-cinq participants s'escriment sur les ordinateurs portables. Ils n'ont que quarante-huit heures pour rendre un scénario de court-métrage se basant sur un thème déterminé. Cette année, la présidente du jury, Maria Schneider, a donné une scène comme point de départ. Une île perdue dans un océan indéfini, une femme avançant toute habillée dans la mer, des bateaux de pêche s'activant au loin : tels sont les trois éléments devant se retrouver dans les récits des candidats. Dans la chapelle, se tient au même moment une exposition d'affiches de films adaptés de l’œuvre de Georges Simenon ce qui donne au lieu une atmosphère cinéphile fort à propos.

Pendant que Bertrand Tavernier tient un atelier sur l'écriture du long-métrage en se basant sur son Capitaine Conan, un téléfilm écrit par Jean Cosmos, l'invité d'honneur du Festival des scénaristes, est projeté au cinéma Lumière. Il précède un débat portant sur “ la télévision d'hier et d'aujourd'hui ” et doit montrer combien les fictions du petit écran étaient de meilleure facture il y a quelques dizaines d'années. La trêve, réalisé en 1975 par Philippe Joulia, est un téléfilm plutôt bien écrit. Mais l'ensemble est plutôt soporifique. Difficile de ne pas s'assoupir devant ce qui ressemble à un épisode de Derrick amélioré.

Bertrand Tavernier (c) Nicolas Journet

Le débat qui suit est intéressant. Pas vraiment à cause de la médiatrice qui a un peu du mal avec le cinéma et surtout avec les titres de films. Elle salue la présence de Bertrand Tavernier, “ le réalisateur de Conan le barbare. Si, si, Conan le barbare ! Tavernier corrige gentiment pendant que le public glousse. Mais l'ancienne collaboratrice de "Libération" devenue metteur en scène de théâtre ne s’en laisse pas compter et persiste dans les approximations. Capitaine Conan devient "Capitaine Conane ”, Laissez-passer se transforme en "Le laissez-passer". Après cet interlude comique, la discussion commence entre Jean Cosmos, Loraine Levy scénariste pour TF1 et Raphaëlle Desplechin qui développe des projets pour le cinéma et la télévision. Cette dernière restant un peu en retrait.

Jean Cosmos considère que les chaînes peuvent imposer aux scénaristes des contraintes d'autant plus importantes que ceux-ci ne se battent plus pour la préservation de leurs droits. Selon lui, la mention obligatoire du nom des scénaristes au générique devrait être l'objet d'une lutte corporatiste. Tout comme les scénaristes devraient comprendre qu'“il y a actuellement une soustraction pour cause de trop grande addition ”. Celui qui sera de nouveau en tête d'affiche avec le lifting de Fanfan la tulipe estime que trop de scénaristes (avec notamment la pratique désormais si répandue du "script-doctor") sont chargés d'un même projet, ce qui nuit à la visibilité de l'ensemble.

  Plage de La Ciotat  (c) Nicolas Journet

Loraine Levy est moins critique, relativise les difficultés rencontrées par les scénaristes. Pour elle, il est encore possible aujourd’hui de faire du bon travail. Pour appuyer son propos, elle reprend les arguments pas toujours convaincants de ses employeurs, du style “ si le public était déçu de la qualité des fictions télévisuelles, il ne les regarderait pas ”. Dans le public, scénaristes, producteurs ou simples spectateurs se montrent plus volontaires. Ils expriment chacun à leur manière l’envie de voir apparaître des fictions de qualité à la télévision hexagonale. Au vu de cet enthousiasme général, on se demanderait presque pourquoi des séries comme 24 Heures Chrono n’existent pas en France. Mais ce serait oublier bien vite le peu d’ambition artistique des chaînes françaises. Ces dernières sont prêtes à débourser des millions pour un énième programme de télé-réalité, mais rechignent à soutenir un feuilleton de haute tenue : la logique financière a des raisons que l’art ignore. Le débat se termine vers 21 heures. Rentrée pédestre à l’hôtel, en longeant la côte. Les vagues roulent en rythme sur la plage. Les odeurs du large flattent les narines. Délicieux.