|
 |
|
|
A la fin de la projection-débat,
rapide passage à la Chapelle des pénitents bleus où les marathoniens
du scénario courent toujours après le temps. Depuis mercredi
10 heures, les trente-cinq participants s'escriment sur les
ordinateurs portables. Ils n'ont que quarante-huit heures
pour rendre un scénario de court-métrage se basant sur un
thème déterminé. Cette année, la présidente du jury, Maria
Schneider, a donné une scène comme point de départ. Une île
perdue dans un océan indéfini, une femme avançant toute habillée
dans la mer, des bateaux de pêche s'activant au loin : tels
sont les trois éléments devant se retrouver dans les récits
des candidats. Dans la chapelle, se tient au même moment une
exposition d'affiches de films adaptés de l’œuvre de Georges
Simenon ce qui donne au lieu une atmosphère cinéphile fort
à propos.
Pendant que Bertrand Tavernier tient un atelier sur l'écriture
du long-métrage en se basant sur son Capitaine Conan,
un téléfilm écrit par Jean Cosmos, l'invité d'honneur du Festival
des scénaristes, est projeté au cinéma Lumière. Il précède
un débat portant sur “ la télévision d'hier et
d'aujourd'hui ” et doit montrer combien les fictions
du petit écran étaient de meilleure facture il y a quelques
dizaines d'années. La trêve, réalisé en 1975 par Philippe
Joulia, est un téléfilm plutôt bien écrit. Mais l'ensemble
est plutôt soporifique. Difficile de ne pas s'assoupir devant
ce qui ressemble à un épisode de Derrick amélioré.
 |
|
|
|
Le débat qui suit est intéressant.
Pas vraiment à cause de la médiatrice qui a un peu du mal
avec le cinéma et surtout avec les titres de films. Elle salue
la présence de Bertrand Tavernier, “ le réalisateur de
Conan le barbare ”. Si, si, Conan le barbare
! Tavernier corrige gentiment pendant que le public glousse.
Mais l'ancienne collaboratrice de "Libération" devenue
metteur en scène de théâtre ne s’en laisse pas compter et
persiste dans les approximations. Capitaine Conan devient
"Capitaine Conane ”, Laissez-passer se transforme
en "Le laissez-passer". Après cet interlude comique,
la discussion commence entre Jean Cosmos, Loraine Levy scénariste
pour TF1 et Raphaëlle Desplechin qui développe des projets
pour le cinéma et la télévision. Cette dernière restant un
peu en retrait.
Jean Cosmos considère que les chaînes peuvent imposer aux
scénaristes des contraintes d'autant plus importantes que
ceux-ci ne se battent plus pour la préservation de leurs droits.
Selon lui, la mention obligatoire du nom des scénaristes au
générique devrait être l'objet d'une lutte corporatiste. Tout
comme les scénaristes devraient comprendre qu'“il y a actuellement
une soustraction pour cause de trop grande addition ”.
Celui qui sera de nouveau en tête d'affiche avec le lifting
de Fanfan la tulipe estime que trop de scénaristes
(avec notamment la pratique désormais si répandue du "script-doctor")
sont chargés d'un même projet, ce qui nuit à la visibilité
de l'ensemble.
|
 |
|
|
Loraine Levy est moins critique,
relativise les difficultés rencontrées par les scénaristes.
Pour elle, il est encore possible aujourd’hui de faire du
bon travail. Pour appuyer son propos, elle reprend les arguments
pas toujours convaincants de ses employeurs, du style “
si le public était déçu de la qualité des fictions télévisuelles,
il ne les regarderait pas ”. Dans le public, scénaristes,
producteurs ou simples spectateurs se montrent plus volontaires.
Ils expriment chacun à leur manière l’envie de voir apparaître
des fictions de qualité à la télévision hexagonale. Au vu
de cet enthousiasme général, on se demanderait presque pourquoi
des séries comme 24 Heures Chrono n’existent pas en
France. Mais ce serait oublier bien vite le peu d’ambition
artistique des chaînes françaises. Ces dernières sont prêtes
à débourser des millions pour un énième programme de télé-réalité,
mais rechignent à soutenir un feuilleton de haute tenue :
la logique financière a des raisons que l’art ignore. Le débat
se termine vers 21 heures. Rentrée pédestre à l’hôtel, en
longeant la côte. Les vagues roulent en rythme sur la plage.
Les odeurs du large flattent les narines. Délicieux.
|