VENDREDI 11 AVRIL
Quand les mots deviennent images
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Réveil glaciaire. Ce que
les nuits ciotadennes peuvent être froides ! Depuis deux jours,
le matin, on craint presque de mettre un orteil hors des couvertures
de peur qu’il ne se tétanise instantanément. Sans parler des
sorties de douche grelottantes qui poussent à des séances
d’habillage d’une célérité phénoménale. Mais ce vendredi matin,
mieux vaut être prêt dans les plus brefs délais, car à partir
de 10 heures va se dérouler à l’IUT de La Ciotat l’un des
temps forts du festival : le Forum des auteurs. Les festivaliers
replongeront pour l’occasion dans un passé scolaire déjà lointain
pour certains et encore si proche pour d’autres. L’espace
de quelques heures, tous vont en effet retrouver les bancs
de l’université, de ces amphithéâtres qui ont vu disparaître
leurs vingt ans.
Pour les sept scénaristes sélectionnés pour participer au
forum, ce retour dans le cadre scolaire est encore plus marqué.
L’exercice auquel ils vont se prêter ressemble à un grand
oral. Patricia Dinev s’y colle la première. Mannequin, actrice
(Pentimento de Tonie Marshall), puis réalisatrice de
courts-métrages, elle présente au Festival des scénaristes
son premier scénario de long, "On peut toujours rêver".
Devant un parterre nombreux, professionnels et anonymes mêlés,
elle raconte dans les grandes lignes son histoire de fausse
gagnante du Loto. Le scénario se tient, sauf la fin qui présente
quelques faiblesses. Et c’est précisément sur cet épilogue
mal tourné que porte la première question du public. Cet enchaînement
faiblesse-question résume à lui seul l’intérêt de cette démarche
communicative voulue par les organisateurs. Au moins durant
sa partie matinale, le forum s’est ainsi appuyé sur des critiques
de spectateurs cernant parfaitement les points de tangage
des scénarios présentés. De telles remarques apporteront forcément
une aide précieuse aux auteurs lors des phases futures de
réécriture.
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En effet, en expliquant
leur récit à vive voix, les scénaristes du forum font ressortir
le manque de solidité d’un rebondissement ou l’absence de
crédibilité d’une situation. C’est exactement ce qui se produit
pour François Brunet, le successeur sur l’estrade de Patricia
Dinev. Avec "La tête et la queue", le jeune
réalisateur de courts-métrages (il en a deux à son actif)
détient une idée fabuleuse. “ Les consultants sont là pour
baiser les employés, et bien j’ai poussé la logique jusqu’au
bout ! ”, explique-t-il avec un petit sourire malicieux.
Son histoire est ainsi résumée dans le petit livret magique
du festival : “ Le directeur d’une conserverie est aux
prises avec un concurrent féroce avec lequel il se dispute
le même poisson : l’un fait la queue, l’autre la queue. Pour
l’aider à gagner de précieux centimètres, il fait appel à
société de consultant qui lui dépêche une sorte de gigolo
dont les capacités sexuelles doivent améliorer la compétitivité
du personnel féminin. ”
Il y a dans ce début de scénario de quoi faire un film drôle
et incisif. De quoi ridiculiser cette culture d’entreprise
qu’on exporte même dans les méthodes de gouvernement. Mais
lorsque François Brunet développe son propos, on constate
que la bonne idée de départ ne fait pas long feu à l'arrivée.
Que derrière le pitch alléchant se cache une histoire quelconque,
voire même vulgaire. Dominique Sampiero - poète, romancier
et co-scénariste du Ca commence aujourd’hui de Bertrand
Tavernier - n’arrange rien à l’affaire. Parrain scénariste
du projet, il est censé défendre le travail de François Brunet.
Sauf qu'avec ses remarques frôlant la misogynie, il dessert
le scénario, le mène sur une voie égrillarde plutôt savonneuse.
Plusieurs femmes de l’assistance prennent alors la parole
et regrettent, certaines avec un féminisme ridicule, d’autres
avec un bon sens implacable, cette dérive scabreuse et machiste
du récit. Espérons que François Brunet arrive à tirer la quintessence
d’une idée qui, répétons-le, possède un potentiel comique
et subversif énorme.
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