Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     



 

 

 

 

 
VENDREDI 11 AVRIL
Quand les mots deviennent images

Forul à l'IUT de La Ciotat (c) Nicolas Journet

Réveil glaciaire. Ce que les nuits ciotadennes peuvent être froides ! Depuis deux jours, le matin, on craint presque de mettre un orteil hors des couvertures de peur qu’il ne se tétanise instantanément. Sans parler des sorties de douche grelottantes qui poussent à des séances d’habillage d’une célérité phénoménale. Mais ce vendredi matin, mieux vaut être prêt dans les plus brefs délais, car à partir de 10 heures va se dérouler à l’IUT de La Ciotat l’un des temps forts du festival : le Forum des auteurs. Les festivaliers replongeront pour l’occasion dans un passé scolaire déjà lointain pour certains et encore si proche pour d’autres. L’espace de quelques heures, tous vont en effet retrouver les bancs de l’université, de ces amphithéâtres qui ont vu disparaître leurs vingt ans.

Pour les sept scénaristes sélectionnés pour participer au forum, ce retour dans le cadre scolaire est encore plus marqué. L’exercice auquel ils vont se prêter ressemble à un grand oral. Patricia Dinev s’y colle la première. Mannequin, actrice (Pentimento de Tonie Marshall), puis réalisatrice de courts-métrages, elle présente au Festival des scénaristes son premier scénario de long, "On peut toujours rêver". Devant un parterre nombreux, professionnels et anonymes mêlés, elle raconte dans les grandes lignes son histoire de fausse gagnante du Loto. Le scénario se tient, sauf la fin qui présente quelques faiblesses. Et c’est précisément sur cet épilogue mal tourné que porte la première question du public. Cet enchaînement faiblesse-question résume à lui seul l’intérêt de cette démarche communicative voulue par les organisateurs. Au moins durant sa partie matinale, le forum s’est ainsi appuyé sur des critiques de spectateurs cernant parfaitement les points de tangage des scénarios présentés. De telles remarques apporteront forcément une aide précieuse aux auteurs lors des phases futures de réécriture.

  Forum des auteurs (c) Nicolas Journet

En effet, en expliquant leur récit à vive voix, les scénaristes du forum font ressortir le manque de solidité d’un rebondissement ou l’absence de crédibilité d’une situation. C’est exactement ce qui se produit pour François Brunet, le successeur sur l’estrade de Patricia Dinev. Avec "La tête et la queue", le jeune réalisateur de courts-métrages (il en a deux à son actif) détient une idée fabuleuse. “ Les consultants sont là pour baiser les employés, et bien j’ai poussé la logique jusqu’au bout ! ”, explique-t-il avec un petit sourire malicieux. Son histoire est ainsi résumée dans le petit livret magique du festival : “ Le directeur d’une conserverie est aux prises avec un concurrent féroce avec lequel il se dispute le même poisson : l’un fait la queue, l’autre la queue. Pour l’aider à gagner de précieux centimètres, il fait appel à société de consultant qui lui dépêche une sorte de gigolo dont les capacités sexuelles doivent améliorer la compétitivité du personnel féminin. ”

Il y a dans ce début de scénario de quoi faire un film drôle et incisif. De quoi ridiculiser cette culture d’entreprise qu’on exporte même dans les méthodes de gouvernement. Mais lorsque François Brunet développe son propos, on constate que la bonne idée de départ ne fait  pas long feu à l'arrivée. Que derrière le pitch alléchant se cache une histoire quelconque, voire même vulgaire. Dominique Sampiero - poète, romancier et co-scénariste du Ca commence aujourd’hui de Bertrand Tavernier - n’arrange rien à l’affaire. Parrain scénariste du projet, il est censé défendre le travail de François Brunet. Sauf qu'avec ses remarques frôlant la misogynie, il dessert le scénario, le mène sur une voie égrillarde plutôt savonneuse. Plusieurs femmes de l’assistance prennent alors la parole et regrettent, certaines avec un féminisme ridicule, d’autres avec un bon sens implacable, cette dérive scabreuse et machiste du récit. Espérons que François Brunet arrive à tirer la quintessence d’une idée qui, répétons-le, possède un potentiel comique et subversif énorme.