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SAMEDI 12 AVRIL
De la difficulté de parler de son art

Jacques Baudet (c) Nicolas Journet

Réveil paranoïaque. Encore somnolent, votre narrateur est choqué par un détail. Les blocs de papier quadrillé, outils indispensables pour tout journaliste qui se respecte, ont disparu de l'étagère où ils avaient été placés précédemment. Tentative désespérée de certains festivaliers de dissimuler des informations top secret ou plus simplement déplacement réalisé par une femme de ménage trop zélée ? La vérité est moins rocambolesque. Après s'être ridiculisé en interrogeant la direction de l'hôtel, votre narrateur retrouve finalement les blocs, disparus dans une poche d'ordinaire inutilisée de sa valise. Sans doute rangés là la veille au soir dans un état neuronal plutôt faible, vu l'absence de souvenirs que ce geste a suscité. Comme quoi à force de côtoyer des scénaristes, on finit par se faire des films.

Du fait de ce petit évènement, il est trop tard pour se rendre à la projection de L'enfant qui voulait être un ours de Jannik Hastrup. Autant utiliser ce petit moment d'inactivité pour découvrir La Ciotat. La petite ville portuaire est formée de rues étroites. Elles gravissent à partir des quais la colline qui surplombe le port selon un cheminement parallèle. Dans ces minuscules artères règne une ambiance qui fait penser au Maghreb. Tout comme les regroupements d'hommes âgés que l'on observe le matin sur le port. Mais à certains carrefours, l'on tombe sur une autre réalité. En forme d'affiches. Fond bleu, lettres jaunes, le graphisme est connu. Le Front National est très présent sur les murs de La Ciotat. Plus que n'importe quel autre parti. Et surtout les affiches sont intactes, alors qu'ailleurs elles auraient été déchirées et dégradées en un temps record. Ici, l'extrémisme droitier semble donc faire partie des meubles. Peut-être en raison d'une misère sociale importante comme l'indique la stèle installée devant la mairie. Elle précise que la première manifestation française de chômeurs s'est déroulée à La Ciotat.

  Bertrand Tavernier (c) Nicolas Journet

Retour dans le cadre du festival avec une rencontre consacrée à l'acteur Jacques Boudet (figure récurrente du cinéma de Robert Guédiguian). Il raconte sa relation personnelle avec le scénario. Même si pour lui il ne doit pas être suivi à la lettre, ce n'est que la base que le tournage va ensuite chambouler, il conseille aux scénaristes de soigner au maximum leur texte. En particulier les dialogues, “ car beaucoup écrivent en oubliant l'oralité ”. La discussion est intéressante, mais Jacques Boudet reste un peu à la surface des choses. Quand il évoque la capacité de son ami Robert Guédiguian à puiser dans le réel pour créer ses personnages, il est passionnant. Mais lorsqu'il décrit sa manière d'aborder un scénario, il reste un peu évasif. Peut-être pas très à l'aise dans ce type d'exercice explicatif.

C'est Bertrand Tavernier qui lui succède sur la scène du théâtre du Golfe pour un exercice à peu près équivalent. Comme pour la première rencontre, c'est Stéphane Foenikos qui joue le rôle de l'intervieweur. Ce dernier s'en sort bien, mais pour combler un blanc ou rebondir sur une tirade du réalisateur, il utilise des expressions naïves, genre “ C'est une très belle histoire ! ” ou “ C'est très intéressant ! ” qui font sourire des auditeurs venus en nombre. Pendant deux heures, Bertrand Tavernier raconte sa collaboration avec Jean Aurenche, la genèse de ces films majeurs (L'horloger de Saint-Paul, Coup de torchon, L 627, Capitaine Conan...)... Comme trop de gens cultivés, il se laisse aller aux citations d'hommes célèbres. Alors qu’il n’a besoin d’aucune tutelle intellectuelle pour exprimer des idées passionnantes. Mais une vraie sincérité émane de sa personne. Il a dû mal à regarder le public en face, rougit un peu. Et de voir cet homme au charisme impressionnant (il fait penser au Cyrano de Rostand) aussi fragile, aussi artiste, donne une grandeur supplémentaire au personnage.