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Alors que l’écume, indifférente, déferlait
sur la plage immense de l’une des seules villes balnéaires
françaises où l’on ne trouve ni cendrier en coquillages, ni
supermarché, ni bol ou rond de serviette avec ton nom de marqué
dessus… Moi, je m’asseyais au premier rang de cette immense
salle obscure déjà prise d’assaut, devant les enceintes, au
ras de la scène, pestant contre tous ces petits malins qui
avaient fait plus vite que moi.
Le jury arrivait un à un : Ben Kingsley, depuis le début
ponctuel, Ludivine Sagnier, la grande Claudia Cardinale, l’insouciante
Anne Parillaud qui avait remplacé Nastassja Kinski au pied
levé… Tous aussitôt assis, immédiatement encerclés par une
cinquantaine de soldats du flash qui dégainaient-rétractaient-dégainaient-rétractaient
frénétiquement le zoom de leur appareil photo qui m’apparut,
l’espace d’un éclair de flash, comme un phallus de substitution.
Observant ce manège désormais traditionnel, je ne me doutais
pas, alors, que ce fauteuil serait celui de la révélation.
Depuis des années, à chaque projection du festival, à chaque
fois que la lumière s’éteint dans cette grande salle du CID
de Deauville, résonne un cri venu des profondeurs des fauteuils.
Guttural, bestial, étrange pour le moins, venu d’une contrée
lointaine : le cri de Chewbacca.
Depuis des années, je le chasse, manquant à chaque fois de
percer de peu le mystère de son incarnation qui disparaît
sitôt la lumière revenue. Et voilà que ce matin-là, lorsque
la lumière s’est éteinte, le cri a résonné juste derrière
moi !
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Le cœur bondissant, je me suis retournée, mais
l’obscurité m’empêchait de discerner l’imitateur ou la créature
venue de l’espace intergalactique et j’ai capitulé contrainte
d’attendre la fin de la projection.
La projection du magnifique et grave Thirteen terminée,
je faillis presque oublier ma quête ancestrale, encore plongée
dans l’horreur de ce que l’on persiste à appeler « Les
Verts paradis » de l’enfance.
Mais je me suis retournée une nouvelle fois et je l’ai enfin
vu : le chevelu, le barbu, le poilu Chewbacca.
Décidée à percer le mystère jusqu’au bout, je l’ai suivi au
restaurant. Là, il m’a révélé le fin mot de l’histoire, que
voici :
Depuis cinq ans, un homme que nous appellerons Christophe
C. se rend à Deauville et entonne son cri primal avant chaque
séance. Cette fois là, le vrai Chewbacca n’a pas pu venir.
Ayant à cœur d’honorer la seule règle du showbizz : The
show must go on, il a demandé à ses amis de films-de-culte.com
de le remplacer. C’est ainsi l’un de ces usurpateurs qui
me dévoile son secret et se souvient qu’une année, Ewan MacGregor
(que j’allais découvrir demain dans Bye Bye Love) avait
demandé que Chewbacca monte sur scène et lui serre la main,
sous un tonnerre d’applaudissements.
Quant à la signification de ce cri, notre informateur n’a
pas souhaité la révéler… Il s’est contenté d’avaler sa crêpe
au fromage, mets qui allait désormais constituer notre ordinaire
de festivalier.
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