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Le serait-il autant de ce
symposium, dirigé avec une poigne sentimentale par Shigehiko
Hasumi ? On peut en douter. Ozu, dont la tombe se trouve au
nord de Kamakura, est né le 12 décembre 1903 et mort le 12
décembre 1963. Il eut droit à des funérailles bouddhistes,
le corps fut incinéré. On ne peut donc supposer que sa dépouille
se serait retournée dans sa tombe à l’écoute de ces prestigieux
invités.
Shigehiko Hasumi annonce la couleur lors de l'ouverture le
11 décembre : de nombreux « prétendus » spécialistes
internationaux de l'œuvre d'Ozu auraient pu être invités,
mais les organisateurs ne souhaitaient pas que cette rencontre
puisse prendre une tournure académique, analytique, cela venant
de la part de celui qui fut président de la prestigieuse Université
de Tokyo, et qui contribua de manière decisive à « enfermer »
la critique et la théorie cinématographiques au Japon à l'intérieur
de l'université. Au contraire, il s'agira « d'invoquer »
Ozu à travers une série de témoignages, de ses actrices, de
réalisateurs et de critiques étrangers et japonais qui livreront
leurs « impressions » des films, parler de l'influence,
etc.
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Des trente-sept films d'Ozu,
les invités ne s'arrêteront que sur deux d'entre eux, Printemps
Tardif et Voyage à Tokyo. Le sympathique Sadao
Yamane eut le bon goût de nous rappeler, ou d'informer critiques
et cinéastes étrangers, que Shochiku, détenteur des droits
des scénarios de Ozu, avait autorisé ces deux dernières années
des remakes télé de Voyage à Tokyo, et Le Goût du
Saké, piste possible d'un débat qui ne surgira à aucun
instant de cette rencontre. Tout est dans la douceur, la convivialité,
le sentimental. D'ailleurs, il ne faudra guère attendre avant
que M.Hasumi se mette à parler de la présence d'Ozu, son esprit,
son fantôme est dans cette salle, il est avec nous. Durant
ces deux journées, M.Hasumi avouera à plusieurs reprises au
public qu'il se trouvait au bord des larmes, suite aux témoignages
des participants étrangers. Il n'y aura pas de désaccord,
personne n'élèvera la voix, ni même offrira poliment un autre
point de vue de contestation. Très peu de choses de fond seront
dites. Voici quelques morceaux choisis.
Tout d'abord, les critiques étrangers, à commencer par l'équipe
française, s'exprimant en anglais (alors qu'il semblait y
avoir des traducteurs pour toutes les langues, grâce à Oliveira
/ Hou / Kiarostami) qui révéleront une méconnaissance embarrassante
du Japon actuel, un Japon qui se limite à ce qu'ils en connaissent
grâce au cinéma, de Ozu à Kitano. Tant pis pour ceux qui ne
sont pas rendus jusqu'à Kitano. Ainsi, ce cher Noël Simsolo,
expliquant que c'était sa première visite à Tokyo, dira au
public comment il s'attendait à retrouver les personnages
de cinéma croisés dans les films, qu'en sortant de son hôtel,
il allait voir yakuza, geishas ou familles à la Ozu, et puis
non, il découvre que Tokyo c'est Blade Runner. Il félicitera
Kiju Yoshida pour son retour au cinéma, signalant qu'à ses
yeux, il est l'égal de Nagisa Oshima (ce qui fera très plaisir
à M.Yoshida...) et qu'enfin le célèbre cadrage tatami chez
Ozu rappelle le point de vue du bébé. Jean-Michel Frodon
a pour sa part très bien saisi que le moment fort de ce symposium
devait aux propos des réalisateurs, et non des critiques;
il signalera que la formule choisie par les organisateurs,
« Ozu notre contemporain », le mettait mal à l'aise,
après tout, ce cinéaste est mort depuis quarante ans, il appartient
à une autre génération, puis se ravise, estimant que ces remarques
des autres cinéastes dépassent le cadre de l'hommage, du respect,
ouvrent des portes à d'autres lectures (elles ont été abordées
par ces spécialistes absents...) et que donc, Ozu mérite d'être
perçu comme notre contemporain...
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