C'est en effet dans ce joli lieu que
va être projeté en avant-première Qui a tué Bambi ? de
Gilles Marchand. Mais avant que les lumières ne s'éteignent,
avant que le scénariste de Harry, un ami qui vous veut
du bien ne montre le fruit de son travail, Charles Valenza
dit Charly prend en charge la cérémonie d'ouverture, phase
obligatoire à tout festival qui consiste notamment en une
présentation au public des membres des deux jurys principaux
du festival : celui du court présidé par Pascal Goubereau
et celui du long mené par le compositeur Greco Casadesus.
Rythmé par les devinettes musicales fort à propos de Charly
et par les déclarations un peu moins pertinentes du maire
sur les intermittents du spectacle, l'ouverture aurait pu
se passer dans une normalité un peu chiante.
Et puis, Charly, lui qui est atteint de la maladie de l'homme
de verre, met les deux roues dans le plat : “ Pourquoi
n'y a-t-il pas d'acteurs handicapés ? Pourquoi les cinéastes
n'évoquent que rarement leur situation dans leurs films ?
Pourquoi le peu de rôles d'handicapés qui subsistent sont-ils
attribués à des valides ? ” Toutes ces questions
sont importantes. Elles peuvent paraître hors sujet, mais
touchent à une faille du cinéma. Car le Septième Art est,
c'est bien connu, la traduction en images du fonctionnement
d'une société. L'absence de handicapés à l'écran montre donc
combien la situation de ces personnes est un tabou pour un
système social qui se base sur une recherche effrénée de la
normalité. Qu'elle soit vestimentaire, capillaire ou génétique.
Sur ce, commence enfin le premier long-métrage
de Gilles Marchand, un régional de l'étape puisqu'il est
originaire de Marseille. Au terme des deux heures que dure
le film, les sentiments sont mitigés. Des choses remarquables
et puis des faiblesses, paradoxalement dans le scénario
alors que le compère s'est justement fait un nom pour ses
qualités d'écriture. C'est tout de même étrange de voir
combien les quelques scénaristes propulsés en pleine lumière
par un talent incontestable d'écrivain pour l'image faiblissent
justement dans leur domaine de prédilection lorsqu'ils passent
derrière la caméra. Dernier exemple en date : le travail
fabuleux accompli par Brian Hegelband pour Mysic River
et son foirage total pour The Order, film horrifique
sorti en France dans le plus complet anonymat.
Entre Sabrina, Chrystelle et un journaliste ciné en état
d'incapacité critique avancé, un début de débat s'instaure
dans la navette qui mène à l'hôtel autour du film de Gilles
Marchand. Mais tout le monde est trop fatigué pour continuer
longtemps ce petit jeu-là. D'où un changement de sujet aussi
rapide que bienvenu. Arrivée au lieu de résidence. Séparation
des convives dans le couloir. À nouveau seul. Il est un
peu plus d'une heure du matin. Le mistral caresse les volets.