Sortie de salles. Retour au Café des
Arts où vont se retrouver les membres du jury du court afin
de partager leurs premières impressions. Une interview est
prévue à cette occasion avec Stéfano Cassetti. L'acteur italien
césarisé pour sa prestation organique dans le Roberto Succo
de Cédric Kahn est un être attachant. Un peu tendu, “ parce
que j'ai toujours peur de ce que je peux raconter ”,
il décrit avec chaleur mais réalisme son métier d'acteur.
Donnant l'impression d'avoir les pieds solidement ancrés sur
terre, de ne pas se laisser griser par une starification tout
ce qu'il y a de plus superficielle. Il a une femme, une petite
fille qu'ils ne semblent pas prêts à sacrifier - comme l'ont
fait bien d'autres - à l'éclat des paillettes; il a des amis
qui se moquent gentiment de sa nouvelle célébrité; il a un
métier - architecte d'intérieur - qu'il s'est bien gardé d'arrêter
pour conserver son indépendance financière et éviter les tournages
alimentaires - comme l'ont fait là aussi bien d'autres. Gros
coup de cœur pour ce bel italien à l'humanité à la fois simple
et grandiose.
Deuxième séance de court-métrage. Cette fois-ci au théâtreComœdia, à quelques dizaines de mètres du Pagnol. Ce deuxième
programme est consacré au genre expérimental et documentaire.
Pas mal de n'importe quoi - un film de vacances sur les pentes
himalayennes ou des essais pseudo-réfléchis avec titres compliqués
( Sans titre - drames brefs, Re : Scratch, Émergences
dispersives... etc) pour tenter de dissimuler un vide
abyssal -, et puis des petites perles. La motivation
d'Emmanuel Gras est un documentaire très émouvant sur les
doutes et les espoirs d'une jeune femme de 21 ans, issue de
la DDASS, mère d'un enfant et chômeuse. Et le corps fut...
est plus tourné vers l'expérimental. Son réalisateur Devrim
Alpöge a eu la très bonne idée de raconter une existence humaine
à l'aide d'emballages plastiques, démontrant ainsi combien
l'inutile peut être utile, combien le matériel peut devenir
poétique.
Il commence à se faire tard et aussi
à se faire faim. Accompagnée de la toujours passionnante Manon
Ouellette (discussions en vrac sur le cinéma, sur le Québec
d'où elle est originaire : saviez-vous qu'en une année, au
milieu des années 60, la fréquentation des églises locales
a chuté brusquement, presque sans raison ? Étonnant, non ?),
le choix se porte sur un petit restaurant traditionnel de
la vieille ville. La consommation culinaire s'effectue à un
rythme effréné, étant donné que la prochaine séance est prévue
dans l'heure qui suit. En cours de repas, le jury du court
rejoint le duo attachée de presse-journaliste. Ce petit groupe
de personnes est des plus agréables qui soient. Outre les
membres déjà cités précédemment, il faut saluer la présence
parmi ces professionnels de la profession de deux dérangés
des synapses, Yves Prince et Pascal Goubereau, respectivement
affichiste et responsable de Ciné Box, qui malgré leur réussite
n'ont pas oublié de rester humbles et accessibles.
Après avoir tenté - en vain - de détacher Stéfano Cassetti
de son plat de poulet pour aller voir au Pagnol le deuxième
long de Siegfried intitulé Sansa, retour en duo dans
la salle obscure réservée au festival. Sansa est un
film fantastique, de ceux qu'on aimerait découvrir à chaque
fois qu'on s'installe devant un grand écran. La première heure
et demie est fabuleuse, à la limite du racontable. Roschdy
Zem est impressionnant, de loin le meilleur rôle de sa carrière.
La musique est magnifique. En fait, Siegfried renoue avec
le cinéma-errance, un genre de “ Sur la route ”
filmé, qui dégage une force rare, une grâce peu commune. Malheureusement,
Sansa faiblit sur la fin. Siegfried a tenu à incorporer
des passages tournés en Afrique et en Inde sans la présence
de Roschdy Zem pour cause de faiblesse financière chronique.
Et ces séquences sont un peu bancales. Dommage car si elles
ne gâchent pas un plaisir trop intense pour s'effacer ainsi,
elles entachent quelque peu un film qui aurait pu atteindre
des sommets rarement atteints. Tout juste arrivé du Brésil,
Siegfried, look très roots, répond ensuite aux questions
d'un public visiblement sous le charme.