Les cinq films proposés démontrent
avec maestria combien les cinéma rassemble des œuvres artistiques
à la qualité on ne peut plus fluctuante. Ils peuvent être
moyens comme Haun, court-métrage allemand de Michael
R. Roskam. Ils peuvent être bons comme le français La petite
fille en colère de Bruno Condoyer et Agnès Fabre ou l'israélien
Underdog d'Eran Merav. Ils peuvent très mauvais comme
C'est mieux comme ça de Bruno Predebon, ce film va
même susciter l'hilarité générale parmi le jury du court à
cause de dialogues et situations dramatiques d'une nulité
rarement atteinte. Ils peuvent être enfin magnifiques, comme
Meeting Che Guevara and the man from Maybury Hill de
l'Irlandais Anthony Byrne. Ce qui est également assez troublant,
ce que le dernier cité succède à l'avant-dernier, comme pour
montrer la largeur du spectre cinématographique.
Le festival poursuit son cours avec une séance hommage à Jean
Yanne. Est projeté Nous ne vieillirons pas ensemble,
film de Maurice Pialat qui a valu à l'acteur, décédé en mai
2003, le Prix d'interprétation à Cannes. C'est Pierre Tchernia
qui se charge de la présentation, regrettant en particulier
que Jean Yanne n'ait pas reçu un hommage plus conséquent.
Un peu plus tard, interview du-dit Pierre Tchernia en doublette
avec un journaliste de La Provence. Celui qu'on appelle
Monsieur Cinéma explique sa présence à Aubagne par un coup
de cœur survenu lors de la célébration en 1995 de la naissance
de Marcel Pagnol : “ C'était une fête formidable.
Les habitants portaient de vieux costumes, les marchands avaient
ressorti du grenier des balances du XIXe siècle ”. Concernant
le cinéma, celui qui fut scénariste, réalisateur, compositeur,
et même acteur considère qu'un bon film doit éviter de donner
des leçons, de se poser en manifeste, car l'essentiel se situe
ailleurs : “ dans le fait de transmettre du plaisir
aux spectateurs ”.
Tentative d'application de la théorie
du vieux sage lors du sixième programme de courts métrages.
Le seul qui colle à la définition du sieur Tchernia est Le
Télégramme de Coralie Fargeat. Ce film repose sur une
très bonne idée : mettre en scène un postier avançant dans
une rue pour apporter les missives militaires annonçant aux
familles les décès des soldats partis sur le front lors de
la Première guerre mondiale. Situation simple, dispositif
minimal, ça paraît très facile le cinéma quand c'est bien
fait et bien pensé ! La soirée devrait se terminer par l'avant-première
de Dissonances, film de Jérôme Cornuau. Mais la machine
humaine a ses faiblesses. La saturation est proche. Pour éviter
de détester un film juste par lassitude, décision est prise
de faire un break, d'aller manger au resto avec Lars Loehn,
Devrim Alpoge, Manon Ouellette, Alain Lynch et un nouveau
venu, Yannick Bellée d'Avalon, maison de production
à la politique éditoriale remarquable.
Drôle de repas où à la table d'à côté Pierre Tchernia, le
critique Jean-Claude Romer et quelques amis dissertent sur
le cinéma. Satanée impression de ne pas partager les mêmes
références. Et, à la limite, pourquoi pas ? À chaque individu
ses repères, son époque. Pourtant, il y a comme une désagréable
sensation que les vieux de la vieille, ceux qui détiennent
le pouvoir dans la grande famille du cinéma, ne sont pas prêts
à ouvrir leurs portes aux cinéastes d'aujourd'hui. C'est certainement
de la paranoïa. Mais alors pourquoi Bref, magazine
spécialisé sur le court-métrage, n'a jamais parlé des films
produits par Avalon. Alors qu'ils sont tout à fait
réussis et que leurs réalisateurs en pleine préparation de
longs feront le cinéma de demain. Sur ces réflexions à la
pertinence discutable, il est temps d'aller au lit. Petit
passage au Comœdia où se déroule la Nuit du court-métrage.
Yves Prince manque de se faire tabasser par un colosse blond
au look de surfeur totalement privé de sens comique. Sur le
trajet du retour, petite pensée pour le film de Nicola Sornaga,
Le Dernier des immobiles. Et si ce film était d'un
courage infini, l'expression d'un univers qu'on peut aimer
ou détester, mais dont on peut saluer l'originalité. Doutes.