Dernière ligne droite. La journée commence
doucement. Le temps n'est pas au beau, et cela joue sur le
moral. Le film qui va suivre - Kiss of life - ne va
pas améliorer l'ambiance. Co-production croate-bosniaque-britannique,
réalisé par Emily Young, interprété notamment par Peter Mullan,
ce long-métrage est d'une lenteur et d'une noirceur qui donnent
plus envie de prendre ses jambes à son cou que d'accompagner
les personnages dans leur noyade mortifère. Espérant rompre
avec l'ambiance dépressive latente, direction le Comœdia pour
le dernier programme de courts métrages. Malheureusement,
un chevauchement événementiel va empêcher votre narrateur
de visionner la sélection dans son entier. Ne possédant pas
encore le don d'ubiquité, il est en effet difficile de regarder
les courts tout en assistant à la conférence de Michel Sineux,
ancien critique de la revue Positif, sur les rapports
entre musique et cinéma.
Au bout de trois courts métrages, dont un film d'animation
suisse intitulé Gefangen qui fait terriblement penser
à l'univers de Pixar, départ pour la médiathèque. À la sortie
de la salle, l'actrice Sarah-Laure Estragnat regarde par une
petite lucarne ce qui se passe dans la salle. Le film dans
lequel elle joue doit être projeté dans les minutes qui suivent.
Et même si cette jolie jeune femme doit se rendre à un important
rendez-vous professionnel - elle pourrait décrocher un rôle
-, elle est quand même curieuse de voir la réaction du public
par rapport à son travail. La médiathèque ne se situe pas
dans le même quartier de la ville arpenté auparavant. Elle
est installée sur la colline qui surplombe la ville. Sur le
chemin, rencontre avec le photographe de la ville qui va servir
de poisson pilote. Il maîtrise parfaitement la géographie
des lieux. Il explique que la colline menaçant de s'effondrer
sur les maisons en contrebas, un grand chantier a été mis
en place bétonnant le flanc friable pour en faire un immense
parking. Peut-être efficace, mais pas très esthétique.
La conférence en elle-même est plutôt
intéressante. Bien que comme Michel Sineux le rappelle en
introduction, il est difficile d'être complet en un peu plus
d'une heure sur une relation musique-cinéma qui remonte à
la génèse du Septième Art. En effet, dès 1895, les films étaient
accompagnés au piano lors de leur projection. Néanmoins, le
critique à la retraite s'en sort avec les honneurs. À l'aide
d'extraits de films, il explicite les différences d'utilisation
de la musique suivant les réalisateurs, “ suivant
qu'ils soient des metteurs en scène plastiques comme Fellini
ou bien dynamiques comme Sautet ou Boorman ”. Il
distingue trois usages de la musique au cinéma : la musique
de scène quand un acteur se fait un temps chanteur, la musique
de coulisse quand des personnages palabrent avec un ensemble
musical jouant en arrière-plan ou en hors champ, et la musique
d'orchestre qui n'a pas raison effective d'exister à l'image
si ce n'est comme musique de fond. Bref, tout comme à l'opéra.
Michel Sineux aborde ensuite l'évolution de la musique
de cinéma, qui est passée au cours du siècle
d'une forme ampoulée exagérant les émotions
jouées à lécran à des thèmes
plus lâches tenant plutôt du complément
informatif que du surlignage sonore. En résumé,
cette conférence a parfaitement sa place dans un festival
qui a l'ambition de devenir un lieu de rencontre entre le
cinéma et la musique. N'en déplaise à
certains esprits chagrins. En particulier, à une partie
du jury long-métrage. Arrivés en fond de salle
en faisant pas mal de bruit, sétant ensuite placés
au deuxième rang, ces very important personnes nont
écouté la conférence que quelques minutes.
Au bout dun gros quart dheure, un membre du jury
sest en effet levé, sest adressé
à Michel Sineux lui disant qu « ils ne
pouvaient rester plus longtemps faute de temps » et
se sest retiré en compagnie dune de ses
collègues. Pourquoi raconter cet épisode pas
très spectaculaire ? Simplement pour souligner combien
dans le milieu du cinéma certains oublient les plus
élémentaires règles de politesse, obsédés
quils sont par leur nombril.