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MERCREDI 12 MAI 2004

La Mauvaise Education (c) D.R.

La Mauvaise Education de Pedro Almodovar
Ouverture du Festival de Cannes 2004

« La mauvaise éducation est un film très intime, mais pas exactement autobiographique, je veux dire que je ne raconte pas ma vie au collège ni ce que j’ai appris pendant les premières années de la « movida », bien que ce soient les deux période durant lesquelles se déroule l’intrigue (en 64 et 80, avec une incursion en 77). » Derrière Enrique (Fele Martinez), le jeune réalisateur en panne d’inspiration qui ouvre le film en racontant une incroyable histoire de motard gelé, se cacherait donc Pedro Almodovar dans ses jeunes années, réalisateur à succès de trois ou quatre films, agitateur de la nouvelle vague artistique espagnole des années 80. Il reçoit la visite d’Ignacio (Gael Garcia Bernal), jeune homme barbu, acteur au chômage et copain d’enfance, venu lui soumettre un scénario ayant pour cadre leurs jeunes années dans un collège religieux vingt ans plus tôt…La lecture de cette histoire entraîne un flash-back imaginaire, la vision artistique d’un passé fantasmé aux accents de réalité, engendrant bientôt un troisième récit, lu par un troisième protagoniste, le père Manolo, directeur du collège et inquiétant pédophile.

Bien que l’histoire de La mauvaise éducation, enchâssant des histoires comme des poupées russes, soit difficilement racontable, la mise en scène d’Almodovar n’en est pas moins fluide, discrètement lyrique, transformant le récit d’apprentissage en un grand film romanesque et sentimental. Moins kitsch que dans ses années « Movida », sublimant son univers esthétique de couleurs et de collages, Almodovar reste toutefois sur la corde raide dans certaines scènes, entre dérision, second degré, et sincérité émue (comme par exemple, cette scène où Ignacio enfant, chante Moon River accompagné du père Manolo à la guitare, ou encore par ces clins d’œil cinéphiles : « A croire que tous ces films parlent de nous » dira Manolo en sortant de la projection d’un film noir, après avoir commis lui-même un « meurtre parfait »).  La mauvaise éducation est la chambre d’échos d’une enfance blessée, pour un personnage à la triple identité (Ignacio/Angel/Juan), incarnée tout en nuances par Gael Garcia Bernal. Les apparences sont d’ailleurs en permanence trompeuses dans cette histoire où chaque protagoniste avance masqué, où les rebondissements sont nombreux.

Premier film du festival, La mauvaise éducation est plutôt merveilleusement accueilli.

Ten on ten (c) D.R.

Ten on Ten d’Abbas Kiarostami (Un certain regard)

Ce film de 80 minutes se présente comme un bonus de luxe pour le DVD de Ten, le dernier film « de fiction » de Kiarostami, édité par MK2 fin mai 2004. Le cinéaste iranien, au volant d’une voiture, évoque sa méthode de travail en dix points équivalents à dix mini leçons de cinéma, reprenant ainsi le dispositif et la structure de Ten. Le sujet, les repérages, les acteurs, la musique, la caméra, la mise en scène, toutes les étapes de la fabrication des films de ce successeur des grands cinéastes italiens néoréalistes (il cite à deux reprises Zavattini, scénariste du Voleur de bicyclette) sont évoquées, parfois succinctement, parfois en détail. Le film débuterait presque comme une pub pour les caméras DV de Sony tant l’éloge de Kiarostami est autant enthousiaste qu’un peu trop léger (rien de vraiment de nouveau que d’affirmer que tourner en DV engendre de petits miracles d’une réalité filmée). Mais le film prend corps au fur et à mesure pour se terminer par des exemples précis de mise en condition des comédiens dans un lieu de tournage, autrement dit la voiture, espace confiné et symptomatique cher à Kiarostami. Il démontre aussi à l’instar de Michel Chion, toute l’importance de l’interaction entre son et image, même si le spectateur n’en a pas forcément conscience. Ne reste plus au cinéaste qu’à disparaître définitivement du champ de la caméra, pour se livrer en images à une ultime leçon de cinéma cernant une fois de plus sa thématique favorite, la mise en valeur de l’Existence.