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19h - Alors que l’excitation est palpable lors de la montée des marches de l’équipe de Matrix, on file au Noga Hilton, quelques mètres plus loin sur la Croisette, pour l’ouverture de la Quinzaine des Réalisateurs.

  Kitchen Stories (c) D.R.

« La Quinzaine était en danger », éructe Pascal Thomas, président de la Société des Réalisateurs de Films, organisatrice du festival. « On a voulu la séparer de la SRF » tente-t-il d’expliquer pour justifier l’éviction dix mois plus tôt de Marie-Pierre Macia, l’ancienne déléguée générale. « Nous avons dû faire face aux embarras des partenaires établis, (Kodak, Canal Plus), nous tenons à remercier le maire de Cannes, l’excellent Brochand, la merveilleuse Barbaroux du CNC (…), poursuit-il avec son emphase habituelle, tout en omettant de citer les sponsors qui les ont « laissé tomber ».

Exaspéré par le discours interminable et à peine compréhensible de Thomas, le public cannois soupire bruyamment. François Da Silva, nouveau délégué général, présente brièvement la sélection 2003 (46 films, 28 pays différents). Joao Botelho, réalisateur du film d’ouverture monte à son tour sur scène. « Le sujet de La femme qui croyait être la présidente des Etats-Unis m’est très cher, il est joué par des femmes qui sont des hommes » dira-t-il mystérieusement avant de lancer le film.

On n’aura pas le temps de réfléchir davantage à cette énigme. Le film, produit par Paolo Branco, est un désastre. Un flux de jacasseries, de citations latines, et autres absurdités profondément ennuyeuses. Tout en s’interrogeant sur le choix de ce film pour ouvrir cette année la Quinzaine, on s’inquiète déjà des autres films présentés pendant la semaine à venir.

Et l’on se rassure un poil à 22h, avec la projection de Kitchen Stories de Bent Hamer. Film norvégien à l’humour pince sans rire, proche des univers artistiques d’Alex Van Warmerdam et de Roy Andersson (Chansons du deuxième étage), Kitchen Stories, situé pendant les années 50, raconte l’intrusion dans un petit village norvégien d’un groupe de Suédois du Home Research Institute chargés d’observer le comportement des hommes célibataires dans leur cuisine. Installés sur des chaises hautes, les observateurs ne doivent en aucun cas parler à leurs hôtes. Mais l’un d’eux, n’y tenant plus, va casser ce contrat initial au risque de fausser l’étude. Décrivant les solitudes et les vies ternes d’une humanité isolée et paisible, Kitchen Stories est aussi un face à face désopilant et absurde, même si, reconnaissons-le, fortement prévisible.


VENDREDI 16 MAI 2003

8h30 - Les Egarés d’André Téchiné.
Premier film français de la compétition officielle.

Les Egarés (c) D.R.

Juin 1940… En pleine seconde guerre mondiale, c’est l’exode sur les routes de France. Les Allemands bombardent les Français en fuite. Rescapée, Odile, institutrice accompagnée de ses deux enfants, une fillette aussi irritante qu’adorable, bombardant sa mère de questions, et un garçon de 13 ans, font la connaissance d’Ivan, le garçon aux yeux gris du roman de Gilles Perrault, sauvage et beau, sans famille, illettré mais débrouillard. Les quatre égarés s’installent bientôt dans une maison abandonnée trop rapidement par leurs propriétaires, prennent leurs habitudes, oublient la guerre. Odile, grave et sérieuse, sobrement interprétée par Emmanuelle Béart, rudoie un peu Ivan (Gaspard Ulliel) avant de se laisser conquérir par le jeune homme. Commande du producteur Pierre Ramsay Lévi, le nouveau film de Téchiné est un film d’un classicisme fin, un peu longuet et attendu, mais néanmoins très sensible (on oublie parfois que Téchiné est un beau cinéaste de l’enfance, sa manière de filmer les silences endormis de la fillette en témoigne une fois de plus) et personnel (la sensualité des corps, l’été). La scène d’amour très charnelle à la fin du film est très étonnante par sa crudité (renforcée par l’expression de la montée du désir qui précède l’acte proprement dit) et sa mélancolie (on se souviendra longtemps de ce beau plan des amants conscients de l’éphémérité de leur union).