Dogville de Lars Von Trier
- Compétition, sélection officielle
Dogville et ses maisons. Une petite ville
américaine inédite, inconnue, vue du ciel. Des habitants pris
dans leur quotidienneté. Entre les propriétés, des murs invisibles,
des portes imaginaires, une végétation devinée. Une quinzaine
d’adultes, une dizaine d’enfants perturbés par des coups de
feu et l’apparition d’une jeune femme, Grace (Nicole Kidman,
exceptionnelle), qui demande l’hospitalité de la communauté.
Elle devient bonne à tout faire, exploitée par l’ensemble des
habitants, avant d’être détestée et rejetée. A la fois victime
et ange de la mort. En 9 chapitres, Lars Von Trier exprime à
travers ses personnages une palette de sentiments extrêmement
diversifiés : solidarité et peur d’autrui, confiance en
l’autre et ostracisme. Le pardon est-il possible ? La violence
et la vengeance peuvent-elles l’emporter ? Autant de questions
n’engendrant pas forcément de réponses tant l’ambiguïté du cinéaste
est grande. La mise en scène de l’espace est passionnante, Von
Trier arrivant à captiver l’attention du spectateur pendant
trois heures sans baisses de rythme… Dogville est un
film culotté, avec des parti-pris, un film événement.
Tiresia de Bertrand Bonello
- Compétition, sélection officielle
Avant-dernier film français de la compétition,
Tiresia est aussi le plus singulier. Clairement structuré
en deux parties, il raconte le destin d’une prostituée du bois
de Boulogne, enlevée puis séquestrée par Terranova (Laurent
Lucas), un homme mystérieux et violent. Les deux personnages
s’affrontent et se découvrent dans ce lieu clos morne et gris
aux allures de cellule. « Tu désires les transsexuels,
mais tu ne veux pas les toucher » résume Tiresia (Clara
Chovaux) à son geôlier. Un jour, de manière soudaine, Terranova
crève les yeux de sa prisonnière et l’abandonne dans la forêt.
Sauvée par une jeune fille muette et son père, Tiresia (Tiago
Telès) devenue jeune homme (privée de ses injections d’hormones)
aveugle, va désormais voir l’avenir. On vient de loin pour consulter
sa parole d’oracle. Le prêtre du village s’enquiert de ce don
et vient le questionner. Il a l’apparence physique de Terranova…
Tiresia est une adaptation personnelle et réussie d’un
récit de la mythologie grecque, dans lequel Tiresia, successivement
homme et femme, aveuglé(e) par la rage d’une déesse, se voit
confier par les dieux une vision supérieure. A l’image de
cette lave en fusion qui ouvre le film, Tiresia est
l’histoire d’une éruption intérieure, d’une initiation secrète
et violente. Déterminante pour ce personnage en pleine mutation.
Bonello adopte un cadre rigoureux et simple, une mise en scène
minimaliste, mettant en valeur le destin émouvant de son personnage.
On ne ressort pas indemne de la projection de Tiresia,
de loin le film français le plus excitant de la sélection
française.