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MARDI 20 MAI 2003

Le Temps du loup de Michael Haneke -
Sélection Officielle Hors Compétition

  Le Temps du loup (c) D.R.
Difficile de rester complètement éveillé lors de la projection d’un film distant et sans intérêt, sorte de remake inconscient ou inavoué de Malevil, le film d’anticipation oublié de Christian de Chalonge. Difficile de s’intéresser totalement au sort du personnage incarné par Isabelle Huppert, poussé avec ses enfants dans un exode suite à l’assassinat de son mari. Paumée dans le monde, elle bascule dans une dimension fantasmatique et rejoint un groupe d’hommes et de femmes également en perdition, croise un couple étonnamment fade (surtout quand il est incarné par Béatrice Dalle et Patrice Chéreau)… Seule la dernière image est énigmatique et émouvante. Un feu dans la nuit, un enfant qui se déshabille, il veut manifestement s’immoler. Il a perdu son père quelques jours, quelques heures plus tôt. Son deuil est ruminé en silence. Il est sauvé par un homme qui le prend dans ses bras et qui lui parle comme le père qu’il n’a plus (« l’important, c’est ce que tu as fait, dans ta tête, etc… »).


Drifters de Wang Xiaoshuai - Un certain regard

Drifters (c) D.R.
Expulsé des Etats-Unis où il a vécu plusieurs années, où il a fait un enfant avec la fille de ses employeurs, Hong revient en Chine. Il passe ses journées à traîner en ville, rencontre une jeune actrice. Un jour, il apprend que le grand-père de son fils a ramené celui-ci en Chine. Poussé par son frère et sa belle-sœur, il tente de le voir à tout prix malgré l’accord qu’il a signé aux Etats-Unis et qui le faisait renoncer à tout droit sur son fils…Cinéaste chinois de la Sixième Génération, Wang Xiaoshuai a réalisé précédemment So close to paradise ou Beijing Bicycle. Cette fois, il traite avec mélancolie des thèmes de l’immigration clandestine et de la descendance familiale. Mais le film se dépare pas d’un certain ennui, à l’image de sa terrifiante première demi-heure, où il ne se passe absolument rien, et où il n’est pas difficile dans le contexte festivalier, de sombrer dans une torpeur indicible…


The Brown Bunny de Vincent Gallo - Compétition, sélection officielle

  The Brown Bunny (c) D.R.
Les mystères du festival de Cannes, les mystères du cinéma. Autant Drifters finissait de nous achever, autant The Brown Bunny nous ressuscite. Pourtant, il ne s’y passe pas plus de choses que dans le film chinois. Vincent Gallo y est omniprésent, se filmant sous toutes les coutures, incarnant un personnage traversant les Etats-Unis avec sa camionnette noire, transportant sa moto à l’autre bout du pays pour participer à une course. Son comportement est étrange. Vivant dans le souvenir d’une jeune femme, Daisy (Chloé Sévigny), qu’il espère retrouver, il croise des femmes, les embrasse, les effleure, les prend en stop avant de les abandonner. Le film est un one man show Gallo, pris dans son sommeil, ses silences, ses gestes les plus quotidiens. Le film prend toute sa dimension émouvante à la fin, lors de l’apparition tant attendue de Daisy. Arrive alors la désormais fameuse séquence de la fellation, d’une tendresse folle, expression d’une montée flamboyante du désir, indispensable à la compréhension du film. Ou comment les fantômes s’incarnent charnellement dans les rêves des hommes endeuillés… L’image de « The Brown Bunny  » (un vrai lapin marron !) apparaissant comme le symbole d’un état d’innocence perdu. The Brown Bunny est un grand film mélancolique sur l’état de deuil, un grand film tout simplement. Et l’on comprend alors d’autant moins l’accueil détestable fait au film en projection de presse. Certains disent que le public de Cannes est « difficile ». Façon pudique de dire les choses. On préférera parler de public réactionnaire, petit-bourgeois, d’enfants gâtés, un public plus apte à roter, péter, gueuler, huer et siffler devant un film qu’à tenter de ressentir l’âme d’un film plus singulier. Le public de Cannes est d’autant plus navrant qu’il est arrogant. Ces réflexions sont bien évidemment générales, elles ne visent pas tous les journalistes ni tous les professionnels présents aux projections. Mais cette réalité existe et évolue avec le temps, pas toujours dans le bon sens. Pour ce qui est du film de Vincent Gallo, et contrairement à la majorité des journalistes présents, nous remercions Thierry Frémaux de l’avoir sélectionné. Et d’avoir osé mettre en lumière une proposition radicale de cinéma.