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Côté
long-métrage, avec Carnets de voyages, le cinéma latino-américain
n’a décidément plus de soucis à se faire. Et de même que dans
le court précédemment projeté, on retrouve cette vitalité
et cette jeunesse dans l’interprétation de Gael Garcia Bernal,
l’homme fatal du dernier Almodovar, qui incarne ici un Ernesto
Guevarra, pas encore « Che », âgé de vingt-trois
ans, fermement décidé alors à accomplir à moto la traversée
de l’Amérique latine.
Dans ces paysages infinis à la beauté tour à tour austère,
sablonneuse puis rieuse et verdoyante, commence alors la véritable
quête d’identité du futur Che qui écrit dans son carnet de
voyage se retrouver peu à peu « au plus près de la terre ».
Les quelques crises d’asthmes qui parsèment le voyage initiatique
du jeune Guevarra expliquent finalement assez bien la combativité
de ce personnage qui se découvre « luttant pour chaque
bouffée d’air ». Une des scènes fortes du film est celle
de la traversée du fleuve glacé, opérée par Guevarra à la
nage, malgré son asthme, pour rejoindre la rive des exclus,
ces lépreux avec qui il a tissé un lien humain très fort tout
au long de son séjour d’aide-médecin à la léproserie. La musique
crescendo, vient souligner l’effort accompli par le jeune
héros, comme si sous nos yeux, se déroulait une sorte de rite,
d’étape nouvelle à franchir.
Dépassement de soi, courage, ténacité,
honnêteté parfois extrémiste, le jeune Guevarra de Salles
est éminemment sympathique. Et ce n’est pas le charisme de
son interprète qui va contredire ce sentiment diffus, cette
solarité que Salles met petit à petit en avant.
Une autre scène symbolique importante est celle du discours
d’anniversaire de Guevarra qui prend très vite une tournure
politique importante où Guevarra fait état de sa prise de
conscience de l’identité sud-américaine et de ses souffrances.
C’est finalement, la scène-clé. La scène-bilan. Celle qui
permet quelques minutes d’entendre le nouvel Ernesto se confiant
à son journal de bord, de dire :
« Je ne suis
plus moi ! » Ce qui sous-entend bien sûr le
passage à l’action. Salles filme superbement cette prise de
décision irrévocable, par le très bel envol final de l’avion
qui ramène aux siens un Guevarra nouveau, comme régénéré.
Carnets de voyages, présenté cette année à Cannes
et distribué par Robert Redford aux USA, prend parfois de
façon très légère, des allures de documentaire avec ces
photos en noir et blanc mouvantes, car reconstituant sur
la pellicule de cinéma les personnes prises en photos par
le vrai Guevarra.