Le journaliste de cinéma est
une curieuse espèce qu’Honoré de Balzac n’a pas eu la chance
d’étudier dans son célèbre essai Les Journalistes.
Il aurait été sûrement
amusé par le tiraillement intrinsèque dudit journaliste
entre sa passion complètement animale du septième art (qui
le poussa aux conférences de presse de Venise à se ruer
sur sa proie, comprenez star de cinéma, à peine la dernière
syllabe prononcée par l’animateur de la séance) et son look
de reporter pro, qui se doit de rester impassible devant
la liesse générale, et se montrer le plus neutre possible,
c’est-à-dire objectif.
De l’autre
côté de la barrière, la star de cinéma, objet de toutes
les convoitises, préférait arborer un sourire immaculé (Tom
Cruise) ou selon l’humeur du moment, un air fâché, les lunettes
de soleil étant alors redevenues de rigueur (Denzel Washington).
Evidemment, plus l’attente de la rencontre avec la star
était grande, plus grande était sa déception.
Ainsi, un journaliste qui déclarait
son admiration avec fougue à un Jeremy Irons visiblement
agaçé qu’on lui préfère Al Pacino, lors de la conférence
de presse, lui répliqua sèchement : « Monsieur,
on voit bien que vous n’avez pas vu tous mes films. »
Et bang !
Egalement coutumier de l’uppercut verbal, Denzel Washington
ne voulait décidément pas prendre la parole. Ses « oui »
et « non » exaspérés montraient très clairement
qu’on le dérangeait.
Un entretien que nous
avons vécu nous-mêmes avec une personnalité du cinéma mais
dont nous tairons le nom parce que nous ne sommes pas loin
de la sainteté nous a même réservé un accueil des plus glaciaux,
durant tout l’entretien, l’interrompant même au bout d’une
dizaine de minutes, sans s’excuser pour aller dire bonjour
à un autre collègue acteur. L’agacement de ladite personnalité
était à son comble, les lunettes noires, plus noires que
jamais et le spectacle en live de sa prise de tête énorme
faisait finalement plus rire qu’autre chose.
Dans ces conditions les rencontres « positives »
n’en étaient que plus belles. Et si l’on s’est souvent répété,
en rappelant pour la énième fois certaines attachées de
presse qu’ « une interview à Venise, ça se
mérite », on est finalement assez fier de notre
pugnacité.