Dans la période de préparation
du Festival de Cannes, il est une étape incontournable pour
chaque société de production, de distribution ou de ventes
à l'international : l'obtention d'un appartement sur la
Croisette ou bien celle d'une chambre dans l'un des palaces
cannois. Les deux options sont aussi prestigieuses l'une
que l'autre, mais la location d'un studio avec vue sur la
mer a un supplément de classe. À Cannes, en effet, l'essentiel
est de se montrer, et comment mieux se montrer qu'en installant
une banderole de quatre mètres de long visible par tous
les professionnels circulant sur la Croisette. On pourrait
même soupçonner les industriels du cinéma de se faire une
petite guerre pour avoir la plus grande superficie ou le
meilleur emplacement tellement l'utilisation intensive des
customisations portant le nom de la société ressemble à
un marquage de territoire. Tu l'as vu mon appart à deux
étages ? Et toi, tu l'as vu le mien, à même pas deux minutes
du Palais de Festival ? Le cinéma est un monde de petits
frimeurs et de grands enfants.
Barnum
Le Festival de Cannes a construit
une partie de sa réputation internationale sur une certaine
idée de la provocation. Les poses langoureuses de naïades
dévêtues, les robes plus que transparentes de quelques actrices
lors de la montée des marches, la crise de mai 68, le poing
tendu de Pialat, les fêtes privées arrosées à la coke et
au champagne, la concordance de dates avec la cérémonie
des Hot d'Or, les années Canal+... Mais, depuis plusieurs
éditions, le Festival a du mal à retrouver le stupre d'antan.
Les cris d'orfraie d'un Stéphane Bern ou les mini-jupes
à foison ne sont plus que vulgaires. Faute de mieux, ce
sont donc les membres de Troma qui mettent le grain de délire
d'un festival en voie d'embourgeoisement avancé. Qu'est-ce
que Troma ? Et bien cette troupe de déjantés mineurs lance
chaque année sur les écrans mondiaux des films de série
B avec comédiennes aux gros seins et monstres en plastique.
Tout cela sous la houlette de leur gourou Roger Corman.
Lors du Festival de Cannes, la troupe colorée se répand
régulièrement sur la Croisette, haut-parleur à la main,
perruque fluo sur la tête et string rose sur le cul. Leurs
interventions sont sympathiques, même si avec leurs costumes
de prêtre ou de fausse miss leur parade humoristique paraît
un peu vulgaire et dérisoire.
Ciel bleu
Même si films et stars ont la
vedette, il serait injuste de ne toucher un mot du décor
cannois. Ciel bleu, plages et palmiers, l'environnement
est l'un des plus agréables au monde pour ce qui est des
festivals de septième art. La seule déception se situe dans
l'architecture de la ville en elle-même. Cité bourgeoise,
Cannes intra muros ne propose que des rues banales et des
demeures ternes. Et en soi le Palais des Festivals n'a rien
de fastueux, il s'agit plutôt d'un gros amas de béton armé.
Comme quoi strass et paillettes peuvent presque faire passer
une vessie pour une lanterne.