Sur la Croisette, tout est marchandise.
Rien n'est gratuit, la moindre chose doit être monnayée.
L'exemple le plus frappant en est le bassin installé à deux
pas du Palais des Festivals. Cette petite étendue d'eau
pourrait être laissée aux promeneurs et surtout aux enfants,
comme c'est d'ordinaire la fonction assignée à ce genre
d'installations. Mais, à Cannes, agissant semble-t-il dans
la légalité, un commerçant en a décidé autrement. Le bassin
devient un champ de courses pour bateaux miniatures. Le
lieu est donc toujours tourné vers l'enfance, mais prend
des accents largement moins innocents. La statue verdâtre,
usée par la pluie et par le vent, affiche une moue de honte.
CRS
En période festivalière, Cannes
regorge de gardiens de la paix. A chaque coin de rue, des
chargés du maintien l'ordre républicain patientent en grappes
à l'intérieur de leurs cars. Comme il était écrit que les
intermittents allaient mettre le Festival à feu et à sang,
le gouvernement a encore ajouté quelques divisions supplémentaires
mettant pratiquement la ville en état de siège. Et il faut
voir ces hordes policières se répandre bouclier au poing
et frapper tout ce qui bouge et surtout ce qui filme - un
journaliste de France 3 s'en est pris plein la tronche en
faisant son métier - pour se poser la question de ce que
devrait être la violence légale et de ce qu'elle n'est pas
vraiment.
Distance
Ce que les stars peuvent être
lointaines ! Pour le commun des accrédités, la distance
par rapport à un acteur s'évalue en mètres. Un après-midi,
sur la terrasse du stand Kodak, Danny Glover, qui ne fait
plus de grands films ces derniers temps, vient recevoir
un prix dont il est difficile de connaître la nature : quelque
chose qui a à voir avec la culture afro-américaine vu les
bribes de discours saisies. Noyé dans une foule de journalistes,
de piques-notoriété, le comédien n'est plus qu'une tête
floue. Heureusement qu'il est d'une taille supérieure normale,
sinon l'apercevoir relèverait de la gageure. En fait, pour
croiser une célébrité à quelques centimètres, mieux vaut
s'en remettre au hasard. Ainsi, aux alentours de midi, en
pleine errance devant le Palais des Festivals, voilà Maggie
Cheung qui surgit d'une voiture, entourée d'une petite cour
qui doit comprendre attachée de presse, maquilleuse et autres
assistants. La croisée des chemins est fugace, mais l'héroïne
de Clean en paraît d'un coup plus humaine.