Comme tout bon festival, Cannes repose
sur une organisation millimétrée. Pour éviter que la grand-messe
du cinéma mondiale se transforme en souk marocain les organisateurs
ont prévu à cet effet un système de badges que leurs porteurs
doivent exhiber avant de rentrer dans les zones réservées. Ce
système d'accréditation a évidemment sa logique, mais il en
arrive parfois à des aberrations quasi staliniennes. Passons
la bonne heure d'attente pour obtenir son passeport plastifié
photo incluse pour se concentrer sur les files d'attente hallucinantes
qui permettent d'accéder aux projections. Mieux vaut être concentré
pour ne pas se tromper de queue. Chacune est réservée à une
catégorie d'individus bien précis : les cartes presse jaune,
les cartes presse bleu ou les « groupes pédagogiques invitations
individuelles sauf lettre q »... Voir une petite centaine
de personnes soigneusement rangées pendant plusieurs dizaines
de minutes en plein soleil sous leur petite pancarte a quelque
chose d'irrésistiblement drôle. Surtout si on se met dans la
peau d'une "invitation individuelle à lettre q" qui
pour avoir loupé un bout de pancarte va faire le pied de grue
dans la mauvaise file !
Marché
l règne une drôle de lumière crue dans
les allées du Marché du Film. Les petits stands numérotés
donnent l'impression d'être à un salon commercial genre biennale
du bricolage. Et pourtant c'est là que se décident la sortie
de tel ou tel film sur tel ou tel territoire. L'art peut-il
servir de support à une industrie ? Il faut croire.
Marché
À mi-chemin entre le premier étage
où se situent les leaders du marché cinématographique et
le sous-sol où sont rejetés les deuxièmes mains, s'est installé
un petit café. Sur ces tables de jardin baignant dans une
atmosphère orangée étrange s'élaborent des stratégies commerciales
complexes où se concluent des deals à plusieurs millions
de dollars et où se réalisent des interviews à trente euros
le feuillet. Comme quoi ce n'est pas le faste du lieu qui
fait son importance.