Majestic, Petit Majestic, Noga Hilton, Grand Hotel, Martinez, Carlton...
Cannes est la ville des
palaces. De ces grands bâtiments, démarrent les voitures
officielles du festival embarquant à leurs bords personnalités
du cinéma, de la mode, de la politique ou des médias. Les
suites de ces antres du luxe servent aussi de logements
de travail pour quelques professionnels de la profession.
Mais, lors de cette édition 2004, de manière surprenante
pour ce lieu de la tranquillité et de la discrétion, le
Carlton s'est distingué par une révolte de ces employés.
La CGT locale rejetait la gestion du directeur actuel. Il
fallait entendre les slogans, il fallait voir les banderoles
où les salariés regrettaient une décadence du palace pour
constater que la lutte des classes n'est plus ce qu'elle
était. Maintenant les syndiqués défendent le luxe.
Photographies
S'il n'y a pas autant de Chinois en
Chine que d'appareils photos à Cannes, il doit s'en falloir
de peu. Du touriste amateur avec son petit jetable au professionnel
au numérique à plus de 10 000 euros l'unité, les flashes crépitent
en tous sens. Dans cette furia de la prise de vue, il est
une scène quotidienne qui attire l'attention. En face des
marches du festival, dès le petit matin, des personnes attendent,
assises, sur des chaises de camping non loin d'une série d'escabeaux
gris métallisés. Qu'attendent-elles ainsi pendant des heures
? Et bien un petit salaire. Elles restent en effet assises
pour garder la place de photographes professionnels qui viendront
s'installer sur leurs emplacements pour les montées des marches
de 20 et 22 heures. Vu l'importance pécunière qu'entraîne
un emplacement stratégique pour les revenus d'un photographe,
il est évident que ce service n'est pas gratuit. En tout cas,
ce métier saisonnier d'un genre particulier donne à voir des
scènes hallucinantes. Ainsi, vers midi, les parents ou amis
des squatteurs de bitume viennent apporter le ravitaillement
ou assurer un passage de relais. À certains moments, sur Cannes,
il souffle un vent de folie.
Photographies
Dans le registre
de la photographie, une autre habitude cannoise est à signaler.
Non pas pour souligner l'aspect dinguot que peut prendre les
à-côtés du festival, mais pour pointer du traitement de texte
la vanité humaine et son corollaire, le ridicule. Pendant
le festival, quelques photographes sillonnent la Croisette
non pas - ce qui pourrait paraître légitime - pour figer les
stars, mais les anonymes. Ces mercenaires du cliché alpaguent
passants et passantes, leur tirent le portrait et leur laissent
ensuite une de leurs cartes professionnelles, sésame pour
obtenir après rétribution ces photos souvenirs. Tout à fait
logiquement, ils évoluent surtout aux alentours des marches
du Palais des Festivals. C'est là, en début de soirée, lorsque
l'équipe du film présenté le soir est encore en train de s'habiller
dans son hôtel, qu'ils opèrent avec une rage commerçante indéfectible.
Un mielleux "Vous êtes magnifique !" à une vieille
rombière de 70 ans passés, un gentil "Quel beau sourire
!" à un boudin de 20 ans friqué, et hop le petit oiseau
est sorti. Il faut voir les airs satisfaits des anonymes photographiés
pour comprendre jusqu'où le narcissime contemporain peut aller.
Ils ne sont pas des stars, ils n'en seront d'ailleurs jamais,
mais y jouent avec délectation. Comme les gens du peuple qu'ils
méprisent, ces membres de la France de presque en haut auraient
pu aller à C'est mon choix ! ou à Ca se discute
pour exhiber leur sur-moi, mais Cannes c'est tellement plus
chic.