Tout d’abord, la Grande Dépression
des années 30. Elle va les obliger, au regard de la
baisse de la fréquentation des salles, à se
protéger davantage et à notamment systématiser
le circuit-zone-relâche. Mais ils ne modifieront pas
pour autant leur fonctionnement à proprement parlé.
En revanche, en 1938, le procès antitrust de Roosevelt
provoque une réaction en chaîne jusqu’à
la veille des années 50. Elle pousse les "Big
Five " à se séparer de leurs salles. Et
en 1947, des suites de la Chasse aux Sorcières, le
tout Hollywood chancelle. Paramount tombe en premier, les
autres ne tarderont pas à suivre. De là naît
la fin de l’Age d’or. La chute n’en est que plus dure. Car,
si sur le plan international la Seconde Guerre Mondiale avait
entraîné une baisse de la fréquentation,
elle avait cependant offert à Hollywood cinq années
de succès jamais égalées, sur le territoire
national. Boom économique à l’appui. Cela est
aussi dû au fait que lorsque les Etats-Unis sont entrés
en guerre, la société américaine s’est
d’autant plus attachée à ses valeurs. Valeurs
que le cinéma a notamment pour objet d’entretenir,
surtout de l’autre côté de l’atlantique. Il a
donc à juste titre été réquisitionné
pour donner une image positive de cette société.
Ce qui n’a pu que contribuer au succès.
D’un point de vue plus cinématographique qu’industriel,
la fin des Studios marque la fin des genres. Et tandis que
la comédie musicale disparaît, la télévision
s’approprie sous forme de séries le western, le policier,
etc. On y reviendra. Parallèlement, le système
d’autocensure éclate complètement. Lui qui
avait tant rassuré l’Amérique puritaine. Du
coup, Hollywood perd ses repères. L’image qu’elle
veut se donner va évoluer, tout simplement. Il faut
savoir vivre avec son temps... Et le cinéma hollywoodien
l’a compris quand il a emprunté à la littérature,
et maîtrisé, des raisonnements métaphoriques
ou euphémiques, défiant le code Hays (code
de censure dans les années 20) ou le code de la pudeur.
Mais il y a un raisonnement qu’Hollywood semble avoir oublié,
c’est le syllogisme. Les américains sont puritains
; Basic Instinct a été fait par des
américains ; Donc Basic Instinct est puritain...
Deux solutions : soit tout le monde est passé à
côté de la portée morale du film, soit
il suffit de remplacer le mot "puritain" par le
mot "mercenaire", et s’apercevoir qu’Hollywood
ne nous donnait que l’illusion de son ignorance. Et quand
on connaît l’importance de l’illusion dans ce pays...
Exemple parmi tant d’autres d’une société
qui comme pour se rassurer et se "valoriser"
rêve tout haut, et sur grand écran. C’est
un euphémisme...
Voilà en quelques lignes la preuve que la fin des
Studios n’est pas synonyme de disparition de l’usine à
rêves. Loin de là. S’il demeure à Hollywood
deux valeurs indéniables : la Star... et son "System",
pour le reste, la "Mecque du cinéma" a
dû s’adapter. Enfin presque...
En 1991, à l’époque
du remake américain de Nikita, Luc Besson
a eu l’occasion de se familiariser avec le système.
Il constate " qu’auteurs (il ne s’agit pas des
indépendants) et studios vivent en autarcie. En effet,
les premiers écrivent ce que les seconds leur imposent,
et ces derniers leur donnent de fait du travail. Les studios
ne prennent pas trop de risques et quand la compétition
se fait malgré tout féroce, le sujet qui a
le plus de chances de passer, c’est celui qui ne coupera
la tête de personne... C’est-à-dire un
sujet sur lequel tout le monde sera d’accord
dans la hiérarchie du studio, parce qu’il en résultera
un produit valable pour la production nationale, valable
également pour l’international, qui marchera aussi
pour la vidéo mondiale grâce au casting, et
enfin bon pour le marketing, dieu du studio, qui saura comment
le vendre... ".
En fait, la démarche
cinématographique, pour ne pas dire la démarche
financière, hollywoodienne se fonde sur une concentration
industrielle différente. Elle rappelle que l’usine,
certes adaptée, est toujours là. Et qu’elle
livre une impitoyable guerre commerciale. Les Américains
cherchent à contrôler le film et tout ce qu’il
implique, à savoir cassettes vidéos, Compact
Discs et produits dérivés... De plus, ils
ne lésinent pas sur la publicité pour s’assurer
un nombre d’entrées à la mesure de leurs espérances.
Cela, au cas ou (ou comme si ?) le film a proprement parlé
ne se suffirait (-sait) pas à lui-même pour
attirer le public. Ainsi, des bandes annonces promettent
le cocktail habituel (Amour- Humour- Action- Suspense- Effets
spéciaux, pour mémoire...). D‘autres font
appel à la culture cinématographique en débutant
comme suit : "Par le réalisateur de..."
où l’auteur cité a réalisé des
films à succès auparavant. Mais on a aussi
droit à des phrases choc du style "Le film le
plus cher de toute l’histoire du cinéma". Sans
oublier les polémiques, d’ordre moral bien sûr,
qui font plus de publicité qu’autre chose. Bref,
Hollywood éblouit, Hollywood manipule, Hollywood
"exagère"... Mais ça fonctionne.