Finalement, certains s’en était
aperçu très tôt. En effet, D.W.Griffith
tourne en Californie Naissance d’une nation (1915),
et Intolérance (1916). Puis, il revient à
New York, où il a commencé sa carrière.
Car c’est pour lui "l’endroit où il y a l’argent
et les cerveaux". Clair, net et précis... Cela
dit, il a paradoxalement impulsé la superproduction
à Hollywood, avec ces deux films. Depuis, cette superproduction
a illustré et marqué les paliers essentiels
de l’histoire du 7ème Art américain. Hollywood
en a tout simplement fait sa seconde peau, n’ayant de cesse
de promouvoir spectacle et émotion. Et si le rêve
se trouve ainsi entretenu par les Studios, le cinéma
d’auteur le développe également, à sa
manière. A un discours anonyme et commercial s’oppose
donc un discours intime servi par de gigantesques moyens .
Quoi qu’il en soit, ces discours ont un point commun : l’usine
à rêves...
Au regard des paragraphes précédents, se demander
s’il existe des limites à l’usine à rêves
est légitime. A ce propos, trois phénomènes
entrent notamment en jeu.
S’il est vrai qu’Hollywood
a su évoluer, elle n’en est restée que plus
nostalgique. Ainsi, les réalisateurs actuels n’inscrivent
plus leurs films dans tel ou tel genre, mais ils les utilisent.
En fait, scénaristes et metteurs en scène piochent
dans le répertoire hollywoodien et se constituent leurs
propres films. Cette nostalgie traduirait-elle un essoufflement
? Autrement dit, étant donné que c’est la fin
des Studios qui l’a développée, ne révèle-t-elle
pas une limite conjoncturelle ? A en voir la parodie,
parfaite illustration de ce "mal du pays", il est
difficile de le croire. En effet, son développement
représente le refus de l’adhésion naïve
aux structures incontournables qui ont défini, et définissent
encore le 7ème Art américain. Par là
même, la parodie réveille le spectateur. Car
au-delà du rire qu’elle suscite et de la complicité
qu’elle établit avec le public, elle apparaît
"critique" face aux stéréotypes du
cinéma. Cela traduit en fait un recul vis-à-vis
de la machine hollywoodienne. Mais n’est-ce pas là
une force supplémentaire que de savoir
prendre de la distance, avec humour ou du moins
sous forme de clins d’œil, quant à ses propres clichés
? Car l’idée de réagir en envisageant le système
à contre-pied est surprenante, intelligente et
rentable. Comme quoi les américains ont encore
une fois tout compris, financièrement parlant.
Donc, il s’agirait plutôt d’un
tremplin. On a envie de changer, tout en n’oubliant pas
ce qui a bâtit Hollywood. Et s’il existe bien une
chose que les américains maîtrisent mieux que
quiconque, c’est de mettre en valeur ce qu’ils ont, quoi
que ce soit. Ils donnent. Et si ça ne fonctionne
pas, ce n’est pas grave : " next time". Voilà
une bien belle leçon de ce grand pays du cinéma,
il faut rendre à César ce qui est à
César. Evidemment, l’inconvénient c’est que
cela peut entraîner conformisme et standardisation
à outrance. Mais cela amène aussi des tremplins,
des idées... Et de l’argent. Ainsi, le cinéma
s’inspire aujourd’hui de la télévision, en
réalisant des films basés sur des séries
telles Mission : Impossible ou La Famille Addams;
comme il l’avait du reste amorcé avec les films à
épisodes. De cette façon, entre autres, est
perpétuée l’usine à rêves. En
fait, la tendance s’est renversée, parce qu’à
ses débuts, la télévision "plagiait"
le cinéma, comme on y a fait allusion auparavant.
Tout simplement en reprenant les thèmes de quelques
genres. Lorsqu’elle est entrée massivement dans les
foyers à partir des années 50, elle lui a
donc fait beaucoup d’ombre. Avec le recul, on s’aperçoit
qu’elle l’a obligé à se distinguer, à
se surpasser. Finalement, elle lui a rendu un fier service.
Et à nous aussi, dans une certaine mesure. En Effet,
il s’agissait alors pour les producteurs de reconquérir
le public. Trouver ce qui le pousserait à voir un
film en salle. Ce qui le pousserait à se déplacer.
Ce qui le pousserait à payer. Et pour mettre tout
le monde d’accord, une seule réponse : le superlatif.
Plus de publicité, plus de surface, plus de moyens...
Plus de rêve. Plus de rêve ? Pas de problèmes,
les indépendants arrivent.
Ils ont toujours existé
à Hollywood. A l’époque des Studios, il s’agissait,
au sens le plus complet du terme, de gens comme Charlie
Chaplin. Des personnes comme Griffith ou Welles, s'ils
n’entraient pas dans le moule, étaient plus freinés
par la "mentalité usine". Mais la véritable
montée des indépendants s’est donc effectuée
à partir des années 50, sous l’impulsion du
naufrage des Studios. C’est sans doute à cette
époque que l’institution du cinéma hollywoodien
a perdu de sa force d’inertie face aux volontés individuelles.
A l’exemple de Woody Allen, Mel Brooks... qui sont alors,
au fur et à mesure, apparus. Et la parodie a pris
le pas sur le burlesque. Il permettait comme elle une distanciation
quant à certains films. Ainsi on ne se privait pas
de gaspiller objets et décors, se moquant des films
qui les utilisaient volontiers car sans lesquels ils perdaient
de leur crédibilité.