Annuaire boutique
Librairie Lis-Voir
PriceMinister
Amazon
Fnac

     

 

 

 

 

 
  Léon (c) D.R.
Cet univers, et plus généralement cette œuvre, ont en fait imposé des exigences auxquelles le réalisateur a été chargé de répondre. C’est une des raisons pour lesquelles le choix des acteurs est pour Luc Besson de toute première importance. Il a, pour Léon, quatre personnages piliers dont il est indispensable que le jeu soit différent, mais proportionnellement équilibré. Ils doivent rester dans leurs propres nuances, leurs propres couleurs, leurs propres teintes, et dans celles du film. " Jamais un protagoniste, même secondaire, n’est venu sur son écran sans que le réalisateur ait organisé pour lui un véritable rituel d’apparition, auquel concourent la préparation pour le scénario (arrivée annoncée ou effet de surprise), le cadrage, la musique, le montage. ", comme l’a très justement écrit le critique Jean-Michel Frodon. Ces composantes ne font jamais pléonasme, elles sont simplement complémentaires.

Ainsi, après avoir montré les visages de Tony et Léon, Luc Besson choisit de filmer, en guise d’ouverture, les pieds de Mathilda et de Stansfield. Ici, l’autre point commun, c’est la musique. Pour Mathilda, elle est douce, limite berçante, enfantine avec l’utilisation du xylophone et d’une simple guitare sèche. Elle reflète tout simplement ce petit bout de femme, calme et délicieux, arrivé là par surprise. Son entrée tranche radicalement avec les scènes précédentes, dans lesquelles Léon fait de la " charcuterie fine ". La musique établit le lien entre les deux séquences, mais en passant d’une extrême à l’autre. C’est là une des possibilités de la musique, permettant à elle seule de raccorder deux séquences, et de changer la perception du spectateur sur le film ou les personnages. Ici, simplement grâce à la musique, le ton de la séquence suivante est donné et influe le spectateur sur la façon d’appréhender les images qui lui arrivent. Il sait, par cette mélodie enfantine, qu’il n’y a pas de danger, que le calme est revenu après la "tempête Léon ". Cette mélodie guide d’ailleurs la caméra, qui remonte lentement jusqu’au visage de Mathilda. Par contre, une des scènes de Nikita montre le contraire. Ainsi, pour la scène tournée à Venise, un morceau "façon " Mozart a été introduit, pour le clin d’œil. Tout à coup, Nikita est heureuse, il fait beau, elle est à Venise avec son amoureux… La musique accompagne vraiment ce sentiment. Le même plan d’introduction à Venise avec une musique qui fait "boum ! Boum ! " et on se demande immédiatement ce qui va se passer. Alors que la musique légère tranquillise tout le monde et c’est le but de Besson, puisqu’on ne doit pas se douter du piège. C’est pour le réalisateur une manière de se dégager de l’univers sonore du film pour emmener le spectateur là où il a envie…

Nikita (c) D.R.
Mais déjà, voilà que Stansfield se présente. L’apparition de cet être méchamment cinglé est mise en scène d’une façon absolument impitoyable. Rien à voir avec Mathilda, Besson joue sur les contrastes. Ici, les présentations se font par personnes interposées, juste histoire de donner plus d’ampleur au personnage. Stansfield est de dos, absorbé dans sa musique. Petit détail qui a son importance, puisque cette musique – du Beethoven, on le saura plus tard – fait partie intégrante du personnage. Stansfield ne se retournera qu’après avoir laissé planer ce qu’il faut d’attente et d’imagination. Apparaîtra alors dans toute sa splendeur cette "espèce de divinité de la violence délirante ", à laquelle la musique qu’il écoute contribue. Et d’ailleurs, elle est en parallèle avec celle qui accompagne les cinglés d’Orange Mécanique de Stanley Kubrick : même compositeur, Beethoven, même combat, la violence.

C’est ce qui donne l’impression que toutes les nuances des personnages ne sont pas rendues par la musique d’Eric Serra, montrant ainsi bien qu’elle soutienne le film et sa mise en scène, laissant à cette-dernière le soin de mettre en valeur certains éléments qui se suffisent à eux-mêmes. Les personnages de Mathilda et de Stansfield sont assez égaux dans leur comportement. C’est sans doute la raison pour laquelle Besson les a présentés de manière similaire. Ils entrent en fait dans un système manichéen, où, schématiquement, Mathilda incarne le bien et Stansfield le mal. Mathilda est joyeuse et débordante de vie. Elle est toute l’innocence et la magie des enfants. Quant à Stansfield, il est définitivement taré. Si Serra caractérise musicalement Mathilda, comme on l’a vu plus haut, il n’en va pas de même pour Stansfield dont l’expression est beaucoup plus visuelle. Son visage est très expressif et son jeu semblerait suffire à faire passer les informations nécessaires sans qu’un thème musical de Serra ne les rehausse.