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  Eric Serra (c) D.R.
Cependant, la musique est présente chez ce personnage aussi, mais d’une façon différente : il écoute du Beethoven, et cite Mozart et Brahms. Il travaille "presque " en musique. Le personnage est complètement pris dans sa folie, et pendant toute la séquence du massacre de la famille de Mathilda, il fait des références à la musique. Eric Serra semble respecter le personnage, il "se tait " pour lui, mais sa musique est tout de même présente, pour accompagner l’action. Les paroles de Stansfield sont pendant cette séquence toutes relatives à la musique : " J’ai toujours adoré ces petits moments de calme avant la tempête. Ca me rappelle Beethoven. ". Il demande ensuite à son coéquipier : " Tu aimes Beethoven ? ", celui-ci lui répond qu’il ne connaît pas, comme pour mieux le laisser dans son délire. Stansfield lui dit alors : " Je vais t’en jouer ", en lui prenant le fusil des mains et en faisant exploser la serrure de la porte. Il entre, semble alors entendre un air dans sa tête, compte les temps, agite le bras comme un chef d’orchestre, et se sert de son fusil en conséquence. Mais Stansfield fait du bruit, entre les coups de fusil et tout ce qu’il saccage dans la cuisine, plutôt que de la musique. Qu’importe, tout cela est couvert par la musique tambourinante de Serra. Puis elle s’arrête, et Stansfield de reprendre, en s’adressant au père de Mathilda : " Tu n’aimes pas Beethoven. Des introductions pareilles, ça me donne de la force. C’est puissant. Mais après ses ouvertures, soyons honnêtes, ça devient un peu chiant ! C’est pour ça que j’ai arrêté. / T’es un fan de Mozart. J’adore Mozart [chante-t-il]. Mais pour ce boulot, c’est un peu léger [il fait semblant de jouer du piano]. Fallait un truc plus costaud. / Essaie Brahms, c’est bien aussi. ". Ici, la musique attachée au personnage ne passe donc pas par Eric Serra, comme pour souligner que le personnage est à part, dans son monde. Au contraire de Léon qui travaille selon des règles, il ne tue "ni femmes, ni enfants ", Stansfield le désaxé prend du plaisir à tuer, sans raisons particulières. Pourquoi, alors, vouloir le traiter comme les autres ? Serra ne lui a donc pas écrit un thème, et sa musique pourtant présente à l’écran en même temps que Stansfield n’est en relation qu’avec l’action, la mise en scène, le suspense.

A la fin, par exemple, si Stansfield va jusqu’au bout de sa folie, la musique n’accompagne pas ce sentiment et préfère expliciter l’action. La mort de Léon est fatale, inévitable, et elle est suggérée par le fait que le personnage descend les escaliers (alors que Mathilda qui est sauvée les monte). La musique ici a pour fonction de faire comprendre au spectateur ce qui se passe. Elle commence au piano, un air doux et triste, elle ralentit à la mort de Léon, quand il tombe à terre. Ensuite, les violons viennent se greffer, pour accompagner Mathilda qui déambule dans les rues de New York. La musique semble un peu moins triste, mais le parallèle entre les thèmes au début et à la fin du morceau, une fois au piano, une fois au violon, ne laisse que peu d’espoir sur la toute fin du film.

Léon (c) D.R.
La présentation de Léon est double, la musique est différente. Au contraire de ce qui a été dit plus haut, lorsqu’il est chez lui, ce n’est visiblement plus le même homme : il est sensible, délicat, méticuleux. En réalité, Besson l’a indirectement présenté sous cet angle, presque par l’intermédiaire de ses lunettes noires : il les porte quand il travaille, comme si son personnage ne se dévoilait pas entièrement, comme si dans sa nature profonde, ce n’était pas un tueur. Léon n’a beau être efficace qu’à faire les sales boulots, il possède une certaine délicatesse dans ses gestes (avec le téléphone par exemple). En fait, on ne le voit à l’écran que pour cela. Quand il "nettoie ", l’image présente en priorité le résultat. Il y a comme un reflet, un écho dans les deux présentations du personnage. La touche de délicatesse dans son travail renvoie au poids qu’il porte dans sa vie végétative, et vice-versa. Léon est un "légume ", seul, triste, prisonnier. Et en vérité très attachant, à partir du moment où le côté "gros flingue " est excusé, compris comme sa vie, son sacrifice. La musique contraste évidemment entre les deux présentations, parce qu’elle s’accorde parfaitement avec chacune. Lorsque Léon "nettoie ", la musique qui l’accompagne a des sonorités lourdes et graves. Les sons sont sourds par moments, puis le calme se fait, tout semble s’arrêter, mais en réalité tout repart de plus belle. On entend parfois comme des lames d’instruments tranchants qui se croisent, puis de petits roulements de tambour, des grelots qui s’agitent. Tout cela semble sonner la dernière heure de la victime, par exemple Fatman au début, dans un climat haletant et oppressant crée par la musique notamment. On entend d’ailleurs des battements de cœur qui se font de plus en plus rapides à la fin. Mais lorsque Léon est chez lui, la musique change complètement. Elle est triste, Serra utilisant pour cela des violons. Le solo de violons renvoient d’ailleurs à la solitude du personnage. La musique est aussi beaucoup plus unie, moins morcelée, plus structurée. On perçoit très bien le début, le milieu et la fin du morceau, alors que la partition de la séquence où Léon travaille est plus "chaotique ".

Chaque personnage a donc sa propre musique et en fait, celle-ci aide à les définir. Un peu comme si un autre personnage, la musique, parlait de chaque autre protagoniste. Ainsi, la musique qui présente Mathilda est enfantine, celle qui accompagne Léon est tour à tour lourde ou triste, Stansfield et Beethoven deviennent inséparables. Quant à la musique qui accompagne Tony au  Suprême Macaroni, son restaurant, elle a des sonorités italiennes, entre harmonica et accordéon.