Vis à vis de la production, la scripte
joue le rôle d’une comptable qui tient à jour
le nombre de plans tournés, le nombre de bandes utilisées,
sans oublier la présence des comédiens et le
minutage : il serait fâcheux pour elle qu’un film prévu
pour une durée de 90 minutes en compte déjà
70 alors qu’on n’en est même pas à la moitié
du scénario ! De même, la production verrait
d'un mauvais œil d’avoir à faire revenir Depardieu
pour un plan raccord, surtout sil s’agit d'un spot publicitaire
pour des pâtes, où son cachet avoisine " plusieurs
" millions de francs, tarif journalier j’entends.
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Vis à vis de la réalisation,
son travail se fait surtout en préparation. Tous les
ordres que lui intime à ce moment le réalisateur
seront à exécuter au fur et à mesure
du tournage, car celui-ci aura bien d’autres chats à
fouetter sur le plateau et doit donc -théoriquement-
être libéré de toute contrainte technique,
pour se concentrer sur l’aspect artistique de la chose. Ce
qui n’empêche que c’est à la scripte qu'incombe
la douce tâche de prévenir les débordements
imaginatifs d'un metteur en scène fantaisiste, à
qui le souci de réalisme peut parfois échapper.
En effet, la crédibilité d'un
film se décline en une multitude de paramètres
qu’il faut contrôler à chaque instant. Pour que
la mayonnaise prenne, tous les ingrédients doivent
fusionner harmonieusement. Et si Peter O'Toole avait gardé
sa montre Cartier dans un seul plan de Lawrence d'Arabie,
si la barbe du père Noël avait pris dix centimètres
en une seule nuit...la magie du cinéma en fût
rompue. Sylvette Baudrot raconte : " dans La main au collet,
d’Alfred Hitchcock, l’équipe s’était installée
devant l’hôtel Carlton, avec un mouvement compliqué
de travelling, une batterie d’énormes projecteurs pour
l’arrivée de la voiture de Cary Grant, qui déposait
Grace Kelly en ravissante robe rose. Le soleil et les arcs
à contre-jour étant très puissants, notre
vedette portait des lunettes noires pendant les nombreuses
répétitions. Les premières prises ont
été filmées avec les lunettes, et sans
que cela choque personne. Heureusement, Grace Kelly elle-même
finit par sen apercevoir. Mais les deux scriptes " auraient
sûrement préféré être à
cent pieds sous terre " !
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En revanche, certains maîtres du grand
écran ont exigé de faux raccords. Dans La
soif du mal, Orson Welles a employé dans la même
séquence trois ponts différents servant au même
décor sans que cela gêne personne " se souvient
Sylvette.
Vis à vis des comédiens, la
scripte doit vérifier les raccords qui les concernent,
c’est à dire les raccords vestimentaires bien sûr,
mais également les raccords de mouvement, de regards,
de jeu. D'où la nécessité de faire plusieurs
lectures du scénario, en fixant à chaque fois
son attention sur ce qui peut sembler n’être qu’un détail.
" Ainsi, nous confie Super Sylvette dans Pirates,
j’ai relu le scénario en ne suivant que le tricorne
de Red, et je notais : " sur tête, blanc de sel, plume
arrachée, tombé, mordu, sec, à la main,
etc ". Ensuite je lai relu en ne m’occupant que de sa jambe
de bois, et je spécifiais dans la marge : " vieille,
séchée, mouillée, tailladée, neuve,
un peu moins neuve, etc ".
Le nec plus ultra, en matière de
casse-tête chinois pour script-girl, c’est une scène
où vingt personnes dînent et conversent autour
d’une grande table ovale. Il ne lui reste plus alors qu’à
sortir une règle et un crayon, en espérant bien
connaître sa géométrie spatiale. Car il
n’est pas question qu’un convive s’adresse à son voisin
de droite en regardant sur sa gauche !
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