L’ENID
PARFAITE AU MOMENT PARFAIT
|
|
|
|
Steve Buscemi et Thora Birch portent littéralement
à eux deux le film grâce à un jeu d'acteur
d'une finesse et d'une justesse parfaite. C'est ce qui confère
à Ghost World une authenticité palpable
: on se sent proche des personnages et de l'atmosphère
du film. Tout comme Daniel Clowes qui considère que
les personnages féminins, dans les bandes dessinées,
renvoient une image caricaturale de la femme - constat auquel
il a essayé de rémédier en créant
Enid et Rebecca - Terry pense la même chose du traitement
des femmes dans les films américains et, de façon
plus générale, des scénarios abracadabrants
dans lesquels elles évoluent. Dans cette optique, il
souhaitait que Thora Birch et Scarlett Johannsson jouent de
la façon la plus naturelle possible. Il souhaitait
presque donner au jeu d'acteur une tonalité documentaire.
"Je ne voulais pas que les acteurs en fassent des tonnes.
N'essayez pas d'en rajouter dans l'humour, jouez juste la
scène" leur expliquait Zwigoff. "Steve a été
parfait pour cela, il n'a pas eu besoin d'être dirigé.
Il était à 95 % Seymour. Une fois les cheveux
coupés et habillé de façon adéquate,
il n'avait pas besoin de travailler le personnage." De son
côté, Clowes se rappelle : "Lorsque j'ai vu Steve
au cinéma pour la première fois - cela devait
être dans Mystery Train de Jim Jarmusch - je
me suis dit que ce gars-là avait un physique digne
des personnages de mes comics et que si j'étais cinéaste,
il jouerait très certainement dans mes films ! ". Lorsqu'ils
terminent l'écriture de leur scénario décisif,
Terry et Daniel pensent d'abord à Cristina Ricci pour
incarner le rôle de Enid. "A l'époque, elle était
prise sur le tournage de Ice Storm de Ang Lee et avait
d'autres projets. On ne pouvait pas attendre et on ne voulait
surtout pas qu'une jeune femme de 25 ans incarne le rôle
d'une adolescente de 19 ans." Le choix s'est donc porté
sur Thora Birch. Elle n'était pas très connue
et n'avait joué alors dans aucun rôle décisif,
elle était en quelque sorte vierge sur le plan scénique.
Plus tard, quand elle a éclaté au grand public
pour son rôle de Jane dans American beauty, Terry
et Daniel se sont servis de ce succès pour porter leur
projet, notamment auprès des producteurs d'Hollywood.
Certains d'entre eux ne pensaient-ils pas, pour interpréter
le rôle d'Enid, à Jennifer Love Hewitt. Daniel,
pince-sans-rire, ironise : "Pour les producteurs hollywoodiens,
l'adaptation d'une bande dessinée dans laquelle les
personnages principaux sont deux adolescentes, donne l'équation
suivante : Batman + American pies = dollars." Terry, lui,
n'en démord pas : Je pense que Thora était l'Enid
parfaite au moment parfait !"
En ce qui concerne, Scarlett Johannsson,
qu’on a pu voir notamment dans The Barber de Joel Coen,
elle a répondu à une simple audition. "Nous
avons reçu environ une centaine de cassettes vidéos
pour le rôle de Rebecca et elle était exactement
ce que nous recherchions". A propos de la voix rauque de Scarlett,
Daniel se rappelle : "je n'ai jamais imaginé un seul
instant, en créant Rebecca, qu'elle puisse avoir une
telle voix. Mais, tout compte fait, cela donnait de la texture
à son personnage."
Terry et Daniel ont su créer une foule de rôles
secondaires, truculents et attachants, sans tomber dans la
caricature excessive. De Melorra, collègue de classe
d'Enid et de Rebecca, qui ne sait plus comment aborder les
deux amies à Roberta (Illeana Douglas), la prof de
dessin déjantée d'Enid, en passant par Joe,
le colocataire de Seymour, lui aussi collectionneur quelque
peu pitoyable ou Dana, "la belle blonde" que Seymour a croisé
précipitamment à l'aéroport. Une mention
spéciale est à accorder à Bob Balaban
(The mexican, The Majectic, Gosford Park),
si touchant dans le rôle du père d'Enid. Seul
ombre au tableau, la prestation de Brad Renfro qui fait un
Josh vraiment peu convaincant, à tel point que l'on
se demande s'il ne s'ennuie pas trop !
|