La cité tentaculaire décrite
dans l’œuvre illustrée devient plus stratifiée
et elle surplombe magistralement la vie de tous ses habitants,
humains et robots. "De la qualité de son design
dépendait la crédibilité du film."
souligne Rintaro.
Dés le départ, le maître d’œuvre du
projet sait bien qu'il sera limité dans sa tâche
par l'animation traditionnelle. Il se tourne sans appréhension
vers la technologie digitale et les possibilités
étendues que lui offre la Computer graphic. "Je
ne m'en suis pas servi comme prétexte technologique.
Son utilisation offre des possibilités très
étendues. Peu importe que vous fassiez appel à
l'analogique ou au numérique. L'important c'est l'effet
que vous souhaitez obtenir." Et le résultat est
là !
LES ELEVES RENDENT LEUR COPIE
Metropolis est
une œuvre que l'on attendait au tournant. La liste des raisons
pour qu'elle ne déçoive pas le public était
impressionnante. Le titre renvoie au chef d’œuvre de Fritz
Lang, magnifié par la patine de l'âge. Le nom
d'Osamu Tezuka, "le père du manga et de l'anime
nippon", a qui l'on doit la paternité de l’œuvre
originelle. Les initiateurs du projet, Rintaro et Otomo, sont
deux grands noms de l'animation japonaise. L'utilisation de
l'imagerie 3D a servi à créer une cité
entière ; la station de travail utilisée porte
l'appellation mythique de "Computer graphic", etc. Que de
fardeaux devait porter la petite Tima sur ses frêles
épaules !
Certains esprits chagrins ont déjà fait entendre
leur complainte. Le scénario est trop simpliste pour
certains, trop compliqué pour d'autres, les personnages
trop mièvres et leur physique trop connoté,
les incrustations 2D dans des décors 3D de mauvaise
qualité, etc. Le public nippon a même boudé
le film (il boude aussi les films de Takeshi Kitano et d'autres
cinéastes japonais que nous aimons ici).
Le Metropolis de Tezuka -
et par conséquent celui de Rintaro - n'est pas une
adaptation en anime du film du cinéaste allemand.
Hormis le nom et certains thèmes communs, il ne faut
pas y chercher désespérément des ressemblances.
Tima est certainement inspirée de Maria, l'Eve-robot
du film muet. Et alors, on peut craindre pire ascendance
! Les personnages sont typés - grands yeux et allure
reconnaissable entre mille - voire même archétypés.
Metropolis est un hommage à l'univers de Tezuka
et c'est bien comme cela qu'il dessinait ses créations.
La classification des personnages selon des critères
physiques et d'appellation rappelle celle utilisée
dans le théâtre Nô. Ils sont tout de
suite identifiables. À tel point qu'un critique américain,
à la vision du film, s'est demandé pourquoi
les "méchants" avaient des patronymes américains
et les "gentils" des noms bien japonais. Là aussi,
il faut revenir à l’œuvre d’origine de Tezuka et
la replacer dans le contexte politico-historique de l'époque.
L'utilisation de la 3D à grande échelle est
un prétexte pompeux, elle ôte toute poésie
au film. Rintaro reconnaît dès le début
les limites de l'animation analogique et se tourne vers
les possibilités de la C.G., seule capable de modéliser
une cité aussi imposante. Certaines scènes
réalisées en numérique ont même
été, ultérieurement, peintes à
la main pour conférer une meilleure homogénéité
aux décors. C'est dire la probité et l'attention
portées à l'ouvrage. De plus, les deux techniques
amplifient l'antagonisme technologie/humanité.
Le scénario est ambitieux,
élaboré sous plusieurs angles. Otomo fait
montre de tout un riche savoir. Le film est truffé
de références bibliques, mythologiques, picturales,
politiques et sociales. Il est comme une peinture à
l'intérieur d'une peinture. Il nécessite même
un deuxième visionnage pour être entièrement
apprécié. On y voit le tableau de Delacroix,
La Liberté guidant le peuple, la Pallas
Athena de Gustav Klimt, des images de Che Guevara, etc.
Marduk est le dieu le plus important du panthéon
babylonien et son animal est le dragon. Le symbole qu'utilise
la milice éponyme ressemble à celui qui figure
sur la porte du temple d'Ishtar à Babylone, en Irak.
La ville de Métropolis renvoie justement à
cette dernière, la Ziggourat à la tour de
Babel. Le Duc Rouge est le symbole de l'orgueil de l'homme,
un démiurge qui veut jouer sur les terres de Dieu.
Et comme les monuments de la civilisation mésopotamienne,
au sommet de la ziggourat du film, surplombe un trône
qui relie l'homme au divin.