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L’INFLUENCE DES PRATIQUES GOUVERNEMENTALES DANS LES FILMS

Chaplin (c) D.R.

L’expansion du communisme apparaît comme un danger pour le gouvernement républicain américain. Mais dès 1938 la crainte d’une infiltration anti-américaine a entraîné la création de la commission d’enquête H.U.A.C. (House Un-American Commitee). Après la guerre, la loi Taft Hartley oblige les syndicats à jurer qu’ils n’ont aucune affiliation communiste. Une commission dirigée par le sénateur McCarthy est chargée d’évaluer la pénétration communiste notamment à Hollywood. Une liste noire est dressée : elle comprend plusieurs personnalités soupçonnées d’activités anti-américaines. Tout individu considéré communiste ou ancien sympathisant est suspect. Parmi eux, les "Dix d’Hollywood", réalisateurs, producteurs et scénaristes refusent de témoigner. En tout 19 personnes choisissent de ne pas collaborer. Les "Dix" seront emprisonnés. D’autres, comme Chaplin, préfèreront l’exil.



ELLIA KAZAN, OU LA JUSTIFICATION DE LA COLLABORATION

Alors que certaines personnalités du cinéma n’ont pas consenti à témoigner devant la Commission, bon nombre d’acteurs et de réalisateurs ont traité avec les maccarthystes. C’est le cas d’Elia Kazan qui a justifié ses agissements et livré plusieurs noms de présumés communistes.

On the Waterfront (1954) est une métaphore des aveux de Kazan. Il y justifie son acte en soulignant les difficultés qui amènent à une décision difficile. Complice de l’assassinat d’un docker, Joey, Tery (Marlon Brando) est manipulé par un syndicat corrompu et violent Des pressions sont exercées sur lui pour que, d’une part, il continue ses activités de démantèlement du réseau de protestation des dockers. D’autre part, il fréquente ce même réseau, ainsi que la sœur de Joey. Tery est ainsi un " agent double ", il est pris entre deux camps. Or, il a commis une faute. Se pose alors le débat, le "cas de conscience" sur lequel est basé le film. Tery doit " témoigner pour le Bien contre le Mal ", selon les propos du pasteur Mulden. Ce pasteur utilise pour sa part des méthodes violentes en réponse aux pratiques intimidantes du syndicat. Kazan montre ainsi que la violence est parfois nécessaire si le Bien l’exige : on connaît les méthodes "rudes" du maccarthysme.

  Kazan (c) D.R.

Mais doit-on voir dans l’exhortation du pasteur la conception que Kazan avait de la situation qu’il avait vécu ? Le réalisateur n’utilise cependant pas une trame manichéenne à l’état pur. Tery est un être humain, il doute, il est lâche, comme tout un chacun. L’aveu n’est pas évident : c’est sans doute le message du film. De plus, lorsque le personnage interprété par Brando avoue la vérité à Edi, la sœur de Joey, ses mots sont masqués par le bruit : l’aveu est à la foi un cri et un secret, une douloureuse délivrance.

Elia Kazan a donc cherché à montrer les raisons qui l’ont poussé à la délation. On The Waterfront peut ainsi être lu dans une certaine mesure comme un appel à la dénonciation. Si le film reste apolitique, on constate que la "chasse aux sorcières" a donné lieu à des œuvres personnelles qui ont modifié l’image qu’entretenait une personnalité avec une idéologie. C’est le cas de Kazan, toujours sujet à polémique.



DES PERSECUTIONS DENONCEES PAR CERTAINS FILMS

La "chasse aux sorcières" a marqué toute une génération de cinéastes. Souvent comparée à l’Inquisition, cette période de l’histoire est traitée métaphoriquement par plusieurs réalisateurs.

The Night of the Hunter (c) D.R.

En 1952, avec The Night of the Hunter, Laughton évoque par la suggestion cette période. C’est en effet sous un discours évangélique que le prêcheur (Robert Mitchum) séduit la mère de Pearl et John. Cet homme apparaît comme parfait pour la communauté, alors qu’il a tué, volé plusieurs fois. C’est sous un beau vernis qu’il tente d’arriver à ses fins, à savoir s’enrichir par n’importe quel moyen. La Commission tenait également un discours "noble", du moins aux yeux d’une partie de l’opinion, mais ses méthodes ont été parfois extrêmes. Cette dualité est omniprésente dans le film : Robert Mitchum a foi en Dieu, mais il commet de nombreux meurtres. C’est de cette manière que les Etats Unis ont frisé le fascisme à un moment de leur histoire : le Bien si souvent évoqué n’était pas respecté. En quelque sorte, la main de la haine a un instant pris le dessus sur la main de l’amour.