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Née elle-même à Baie-Comeau, Manon Briand se décrit comme une " enfant de l’eau " et ne cache pas le caractère fortement autobiographique du film. " Tous les personnages sont une facette de moi. Le pari d’être constamment à cheval entre le réalisme et la magie, le thriller et le drame, l’histoire d’amour et le film d’action, était extrêmement difficile. Il fallait que mon histoire soit scientifiquement crédible, mais que ça relève également de la métaphore et de la poésie."

Manon Briand, qui a toujours voulu être écrivain, dit n’avoir aucune technique d’écriture spécifique. " C’est complètement brouillon, j’y vais à l’instinct, et c’est seulement après que je peux dire : Voilà, c’est ce que je cherchais. J’ai toutes sortes d’idées, de thèmes, d’envies, mais je ne sais pas où je vais aboutir ni dans combien de temps. Je découvre mon voyage au fur et à mesure. "

  Manon Briand (c) Thibault Degenne

Il semble d’ailleurs que Manon Briand utilise elle-même l’approche décrite par son personnage (rechercher le désir, le désordre et le danger) pour ne pas s’enliser dans des histoires trop communes. " Au début, je voulais faire un film sur l’ennui, comment se défaire de l’ennui. La recette contre l’ennui, c’est le désir. On entretient le désir en y mettant un peu de désordre. Je m’étais rendu compte que c’est un luxe d’Occidental qui ne connaît ni la faim ni la guerre que de discourir sur l’ennui. Parfois il arrive une mini-catastrophe qui nous fouette et nous rend heureux d’être en vie. Un peu de danger est bénéfique dans nos vies."

Le thème de l’interruption de la marée, soit de façon plus large, de la catastrophe naturelle, est particulièrement sensible pour les Canadiens qui, plus que la majorité des autres peuples occidentaux, se sentent très concernés par l’écologie. " Mon film n’est pas engagé ou militant, mais c’est sûr que les dérèglements de la nature, que l’on constate de plus en plus, font partie des préoccupations actuelles. "

Le film a été tourné à Baie-Comeau, une ville industrielle, pas très jolie, mais qui dans le film semble assez mignonne et tranquille, un peu dans le style de Tadoussac. Interrogée par rapport à ses sources d’inspiration, la réalisatrice souligne la prédominance d’un lieu (une dune de sable particulière à Baie-Comeau) et une couleur (le jaune), avec une moiteur ambiante. " Le lieu est un personnage principal : un énorme banc de sable qui est découvert par la marée basse. C’est un lieu qui n’existe que lorsque la marée se retire, donc j’étais obligée d’aller tourner là. L’idée du film, c’est un mélange entre ce lieu et une espèce d’atmosphère de nuit jaune, de chaleur. C’est la marée qui est dans l’air. "

La Turbulence des fluides (c) D.R.

Le film repose sur une interprétation solide. Il y a bien sûr l'excellente Pascale Bussières, qu'on commence à connaître en France. Cette actrice, qui à 34 ans a déjà un statut de " starlette " chez elle, a joué l'an dernier dans La Répétition, de Catherine Corsini, et sera à l'affiche du dernier opus de Pascal Bonitzer, Petites Coupures, avec Daniel Auteuil. Ceux qui ont vu Maelström du Québécois Denis Villeneuve, reconnaîtront sûrement Jean-Nicolas Verreault dans le rôle du jeune premier un peu bourru, et les autres auront sans doute identifié la mine enjouée de Julie Gayet dans le rôle de la journaliste en herbe aux airs de garçon manqué.

Mais celle que l'on sera surpris de revoir enfin sur le grand écran, la vraie star, c'est sans aucun doute Geneviève Bujold. Dans le film de Manon Briand, elle interprète un rôle secondaire, certes, mais ses yeux de braise et son apparente nonchalance sont bien celles de l'actrice révélée dans La Guerre est finie, d'Alain Resnais, et sacrée avec Anne de mille jours, de Charles Jarrott, où elle donnait la réplique à Charles Burton. Tourner avec Geneviève Bujold est un petit cadeau que Manon s’est offert en partie grâce à la liberté que lui a laissée son producteur québécois Roger Frappier. " Je n’aurais jamais osé lui écrire comme je l’ai fait si Frappier ne m’avait pas encouragé à suivre mes rêves. J'irais moins loin s'il n'était pas là pour m'encourager à faire mieux. "