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  Star Wars (c) D.R.

À sa sortie, le film connaît un échec retentissant, les critiques portant essentiellement sur la lenteur et le manque de vision de l'avenir du film. Le huit clos analytique de Tarkovsky déplaît, car beaucoup s'attendaient, pour un film dit de science fiction, à une multitude d'effets spéciaux à l’instar de Star Wars de Georges Lucas qui sortira 5 ans plus tard. Le roman de Stanislas Lem, qui aborde l’idée d'une planète pensante ayant la capacité de puiser dans les pensées humaines, réunit les questionnements du réalisateur sur les thèmes de la nostalgie, de la fidélité, de la culpabilité et des métamorphoses psychiques de l’homme devant un événement inconnu.

Tarkovsky, confronté à tant de critiques sur son travail, est prêt à céder aux autorités le pressant de remonter le film, puis il se rétracte. Heureusement, le film est présenté sans remontage en avant-première à Cannes, le 13 mai 1972 et décroche le Grand Prix spécial du jury. Le cinéaste russe déclarait à la sortie du film : " Les pensées profondes du roman n'ont rien à voir avec le genre de roman de science-fiction pour lequel il est écrit, l'amour peut se déplacer dans n'importe quel contexte "

Stanislas Lem (c) D.R.

Tarkovski reprend fidèlement le roman de Lem en faisant de Kelvin le personnage central de l'histoire, suivant peu à peu le même cheminement narratif que l’auteur, mais en imposant sa vision du monde de Solaris et de ce huis clos spatial. Il ajoute des dimensions complémentaires à l’œuvre littéraire qui la font apparaître sous un nouveau jour et creuse davantage la réflexion abordée par Lem.

A commencer par le thème premier du genre de science fiction au cinéma comme dans la littérature : la rencontre. Rencontre, mais aussi et surtout, communication : deux mots qui constituent l’essence même du roman de Stanislas Lem que Tarkovski a su retranscrire avec brio. Solaris, le roman expose deux types d’incompréhensions. À savoir, que l'homme est non seulement incapable de comprendre l'univers, (incapable de communiquer avec une entité extraterrestre), mais qu’il est surtout incapable de se comprendre lui-même et d'analyser ses émotions.

Face à cette thématique générale, ce que le cinéaste russe a remarquablement saisi, repris et mis en scène, c’est l’état de folie dans lequel se retrouve Kris, tourmenté par les deux clones successifs de Harey qui, ne sachant pas ce qui est arrivé à la vraie Harey, exigent de lui une réponse qui l’oblige à une introspection de son esprit et de son âme.

  Andreï Tarvoski (c) D.R.

Cette introspection amène le psychologue devant un dilemme psychique terrifiant. Il est torturé entre l’envie de reconstruire un amour perdu avec la femme qu’il a aimée sur Terre et qui s’est suicidée, il y a quelques années, et la répulsion que lui inspire la résurrection de cette femme non humaine. Comme dans le roman de Lem, Kris perçoit peu à peu le désir de communication de l'entité intelligente qui gouverne la planète Solaris et tente de comprendre ce qu’elle cherche, quel but poursuit cet Océan. Il découvre peu à peu que l’enjeu n’est pas que de communiquer avec l’Océan mais qu’il s’agit principalement de l’homme et des limites de la connaissance humaine.

Puis, avec la thématique de l’enfance, Tarkovski se démarque du roman en développant un aspect totalement absent du livre. Tarkovski ne se limite pas à la relation amoureuse entre Khari et Kris et associe l’enfance aux souvenirs et aux rêves de Kris. Ainsi, on le voit visionner (ou rêver ?) un vieux film de famille où il est présent, enfant, avec ses parents. Le thème de l’enfance, au même titre que l’histoire d’amour, reste très lié aux thèmes centraux de la mémoire et de la culpabilité et ne suffit pas à lui seul. La relation amoureuse est moins directement sensible chez Lem qui préfère disserter à loisir sur la science solaristique.