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Le parcours. La chasse au succès avant la Chasse aux sorcières.

Joseph McCarthy (c) D.R.

Elia Kazan est à l’origine un petit émigré d'origine grecque qui doit faire sa place parmi les grands américains. Son père le trouve trop rêveur, mais il finit par trouver sa voie au théâtre, d'abord comme acteur et assistant d'un directeur de salle, puis petit à petit il fait son chemin comme metteur en scène d'un théâtre moderne jusqu'à devenir la sensation de Broadway. Il signe alors un contrat avec la Fox, réalise quelques films pour se faire la main, fonde en 1947 l'Actor's Studio avec Cheryl Crawford et Robert Lewis avant de pouvoir filmer en 1950 Un tramway nommé désir, une adaptation présentant sur grand écran l'intensité de la pièce et l'étendue de son travail sur la direction d'acteur.

1950, c'est aussi l'année où un certain Joseph McCarthy, sénateur du Wisconsin, décide de profiter du climat de psychose de ce début de Guerre Froide (les Soviétiques viennent de construire leur première bombe atomique) pour dénoncer l'infiltration des communistes à tous les niveaux de la société américaine. A Hollywood depuis les années 30, les luttes intestines entre les patrons des studios et les syndicats corporatistes, notamment des scénaristes (SWG), faisaient rage. En octobre, Joseph L. Mankiewicz à la tête du syndicat des réalisateurs, calme les velléités d'épuration anti-communiste, téléguidées par les studios et menées par de vieux réalisateurs conservateurs à la suite de Cecil B. DeMille. La liste noire paraît oubliée, mais la campagne médiatique de McCarthy vient jeter de l'huile sur le feu. La Commission d'enquête sur les activités anti-américaines (HUAC) augmente sa pression d'un cran et fait miroiter un acquittement pour ceux qui donneront des noms. Ce harcèlement intensif ne tarde pas à donner des résultats : plusieurs témoins appelés à clarifier leur situation finissent par craquer. Larry Parks est le premier, il donne onze noms. Sterling Hayden fait de même avec la promesse de pouvoir à nouveau travailler, puis suivent notamment Edward Dmytryk et Elia Kazan, tous deux au début de leur carrière de réalisateur. John Garfield lui, mourra d'une crise cardiaque juste avant son audition.

  Manifestants devant le pavillon  (c) D.R.

Parmi les manifestants devant le Pavillon Dorothy Chandler, Robert Lees, 86 ans, ancien scénariste blacklisté, affirmait que Kazan n'était pas obligé de donner des noms, qu'il aurait très bien pu continuer à travailler sans ça. Rien n'est moins sûr. Effectivement de nombreux scénaristes sur liste noire ont continué à travailler dans l'ombre ou sous un pseudonyme, certains profitant même de l'hypocrisie ambiante pour récolter des Oscars sous leur faux nom. C'est ainsi que Dalton Trumbo, un des fameux « 10 d'Hollywood » qui ont refusé d'avouer leurs liens avec le Parti Communiste, a reçu deux oscars en 1952 (Vacances romaines) et 1956 (Les Clameurs se sont tues) avant de retrouver son nom au générique en 1960 (Spartacus) et inaugurer ainsi la fin de la liste noire. En revanche, difficile pour un metteur en scène de travailler dans l'ombre. Est-ce que Kazan a le choix ? Oui, certainement : il peut décider de ne pas collaborer et de sacrifier alors sa carrière. En effet il a été membre du Parti Communiste américain et ne peut donc pas passer au travers des mailles du filet ; le FBI a des fiches détaillées et des agents dans la place comme Ronald Reagan (matricule T10) par ailleurs président du syndicat des acteurs entre 1947 et 1952. A un moment Kazan doit se décider. Lors de sa première audition, il refuse de collaborer. Les dirigeants des studios lui expliquent clairement qu'il va ruiner sa carrière. Dmytryck, seul réalisateur parmi les « 10 d'Hollywood », fait le choix de parler en 1951. La pression est de plus en plus forte au fur et à mesure que les personnes citées viennent à leur tour témoigner. Il vaut peut-être mieux les devancer, avouer son passé et ses liens avec le Parti Communiste. Le 12 avril 1952 Elia Kazan prend cette décision, la décision d'un homme qui s'est toujours montré individualiste, prompt à s'adapter à un nouvel environnement, véhément dans son travail, mais aussi décision d'un homme en quête de reconnaissance.