Dualité
des personnages
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Grimault place les personnages au cœur de son animation.
Pour lui, l’animation ne se résume jamais à une affaire de
déplacements, de lignes, de jeux formels. Les personnages
doivent exister avec leur épaisseur et leur psychologie.
L’animation de Paul Grimault est en cela très éloignée de
l’animation cartoonesque. Il recherche d’abord à retranscrire
la réalité. Chacun des personnages a été soigneusement élaboré,
de son aspect physique à son comportement. La plupart ont
été inspirés de souvenirs, d’observations et de comparaison
comme le fameux Baron Mollet qui avait été secrétaire d’Apollinaire.
Il a inspiré avec Pierre Brasseur (interprétant Robert Macaire
dans Les Enfants du Paradis) le personnage de l’Oiseau.
Pour les animateurs, le comportement de l’oiseau était même
influencé par la respiration, la démarche, les mouvements
de Pierre Brasseur. Grimault raconte que lorsque Brasseur
arrivait dans le studio voletant comme s’il avait des ailes,
tous s’attendaient à le voir s’envoler.
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L’oiseau est le vrai héros du film puisqu’il est porteur
d’un message de paix et de liberté. Père de quatre petits
oisillons, il arrive à se libérer de ses chaînes après avoir
été emprisonné avec le ramoneur. Il arrivera à provoquer lui-même
une révolte avec les lions qui l’aideront à renverser le pouvoir
du tyran.
Un personnage loin des modèles manichéens à la Disney puisque
l’Oiseau est, certes, plein de bons sentiments mais, pour
faire accepter son point de vue, il se livre à la pire démagogie.
Une dualité qui apporte une épaisseur au personnage et auquel
le cinéaste tenait particulièrement. Dans aucun de ses films,
il ne condamne définitivement ses personnages. Ainsi, le Roi
est cruel mais peut être aime t-il vraiment la bergère.
Pour le roi, Grimault s’est inspiré d’une photographie d’un
officier de l’entourage d’un dictateur. C’était un homme à
la narine dilatée, satisfait de lui-même, portant beau, avec
un peu de ventre, mais serré par une ceinture qui donne l’impression
qu’il possède des pectoraux.
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Le Roi est un personnage d’une cruauté sans pareille mais
il donne aussi l’impression d’être un grand bouffon. Il possède
une ambivalence (également présente chez l’oiseau) qui rend
ce personnage plus drôle qu’antipathique. On est enclin à
se moquer de lui, à avoir pitié de lui par la grande dérision
avec laquelle les auteurs traitent chacune de ses actions.
Rien que son nom (le roi Charles V et III font VIII et VIII
font XVI) nous avertit que ce n’est pas un roi à prendre au
sérieux.
Chez Andersen, l’oiseau n’existe pas, tout comme le roi, même
si ce dernier possède son équivalent avec un nom à rallonge :
le major - général - en - chef - aux - pieds - de - bouc.
Le conte a été complètement transformé par Prévert et Grimault.
Le principal enrichissement provient de l’humanisation des
jouets, du « thème amoureux » et de cet « ordre
de destruction générale » qui, dans le contexte de l’après
guerre, devait avoir des résonances particulières.
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