Une
partition symphonique qui colle au film
Que seraient les personnages, l’animation « psychologisante »
de Grimault et la douce poésie de Prévert sans la musique
qui les accompagne ?
C’est le compositeur polonais Wojciech Kilar qui a composé
pour le Roi et l’Oiseau une des plus belles musiques de la
fin des années 70 soulignant à la fois l’humour et le lyrisme
du film. Paul Grimault évoque son travail avec le compositeur :
« Il a commencé à écrire la « musique conductrice »
, celle qui, une fois enregistrée et « détectée »,
sert à déterminer les cadences, les rythmes, en fin de compte
l’animation des personnages. Il est revenu plusieurs fois
au studio pour bien se pénétrer du film, puis il a enregistré
en Pologne toute la musique, est revenu à Paris avec la bande
magnétique. Il n’y a pas eu une seule retouche à effectuer.
Tout était parfaitement synchrone et le film nous est apparu
à tous dans sa nouvelle dimension ».
Kilar signe une partition symphonique fraîche, lyrique
et étonnante superbement restaurée et qui retranscrit tous
les sentiments du film : la poésie de l’amour, l’oppression
du tyran ainsi que l’ironie de certaines séquences.
Le thème principal, introduit dès l’ouverture du film est
une très belle mélodie pour piano associé durant tout le film
à l’amour qui unit la bergère et le ramoneur, le thème évoquant
aussi une idée de liberté.
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On retrouve aussi tout l’aspect humoristique exprimé à travers
« la polka des lions » (l’aveugle joue de la musique
pour divertir les lions dans la prison), une danse sautillante
et amusante composée dans le style des polkas viennoises de
Johann Strauss. A noter aussi une « Marche Nuptiale »
totalement folle et fantasque diffusée dans le petit orchestre
mécanique incorporé dans le robot. La célèbre « Marche
Nuptiale » de Lohengrin est retranscrite ici de manière
dissonante et chaotique avec un gros tuba et des sonorités
volontairement fausses. L’épilogue évoque quant à lui la sensation
d’une paix et d’une liberté enfin retrouvée.
L’influence de Paul Grimault
L’univers et le graphisme de Paul Grimault sont uniques.
De même qu’on ne peut lui trouver de précurseurs (hormis Emile
Reynaud le pionnier), Grimault n’a pas de descendant direct.
Il a accueilli des talents naissants dans son studio comme
Colombat, Leclerc ou Charpy mais aucun d’eux n’a fait du Grimault.
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Quand ils étaient dans son studio, Laguionie et Colombat
ont tout de suite adopté la technique du papier découpé. En
ce sens, Grimault a plus créé un esprit qu’une école. Dans
les années 40, il libérait le dessin animé du modèle disneyien.
Aujourd’hui, il demeure le point de repère essentiel pour
tous les nouveaux animateurs opposés à la fabrication du dessin
animé formaté qui se conçoit « en usine ».
Cet esprit se perpétue aujourd’hui autour de Jean François
Laguionie et le studio La Fabrique mais aussi chez
le studio Folimage auquel il a emprunté sa fantaisie
et son sens de l’innovation. Dans un juste retour des choses,
c’est le studio Folimage qui réalise, vingt-trois ans
après Grimault, le deuxième long métrage d’animation produit
uniquement en France, La Prophétie des Grenouilles
en décembre 2003.
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