En l’occurrence, les
lycéens amenés par leurs professeurs dans une salle de cinéma
sur leur temps de cours partagent plusieurs caractéristiques
communes, quel que soit le type de classe ou d’établissement.
Tout d’abord, ce sont des adolescents pris dans un cadre scolaire
et effectuant une activité para-scolaire en dehors des lieux
d’enseignement habituels.
Ensuite, ils sont à un âge de la vie transitoire, entre la
sortie de l’enfance et l’entrée dans les questions adultes,
où s’exprime deux tendances complémentaires. D’un côté le
besoin de se singulariser pousse à s’affirmer individuellement.
De l’autre, cette construction identitaire les amène à développer
des formes de socialisation qui en passent le plus souvent
par l’intégration dans des groupes d’appartenance aidant à
se reconnaître et à se distinguer.
Précisément, à ce niveau, les médias audiovisuels bien conscients
des particularités de l’adolescence jouent un rôle crucial
dans la structuration des références de la jeunesse, par la
publicité, les clips musicaux, les séries et jeux télévisées,
les films pour teen-agers...
Cible privilégiée de cette offre, les adolescents scolarisés
au lycée se forgent de fait une vraie culture de l’image et
de la représentation, qui entraîne des retombées commerciales
ou des comportements sociaux et des attitudes typiques.
Pour cette raison, il appartient à des dispositifs comme Lycéens
et apprentis au Cinéma de non seulement initier à une
cinéphilie de qualité et enrichissante, mais aussi de proposer
une véritable prise de recul envers ces images animées qui
tentent si souvent à les influencer.
Leur donner les moyens de prendre conscience des méthodes
employées par les producteurs de contenus audiovisuels pour
les séduire est une condition sine qua non à la formation
de citoyens conscients et lucides, opérant des choix construits
et délibérés dans un environnement médiatique de plus en plus
mouvant et prégnant.
Cette espérance ne peut selon nous se concrétiser en prenant
à revers les destinataires d’une telle entreprise de sensibilisation
critique. Inadaptée serait une démarche stigmatisant des adolescents
moutonniers qui se délecteraient dans la consommation de masse
de produits grossiers et bas de gamme. Au contraire, accepter
de partir de là où ils en sont du fait de leurs pratiques
- et non pas de là où il leur serait fait reproche d’être
- est gage de réussir à ce qu’ils se sentent admis et respectés
et de les amener à découvrir de nouveaux horizons de sens
stimulants. Précisons que cela ne signifie pas abdiquer en
les confortant dans leur habitude. Au contraire, il devient
possible de remettre en question, et non en cause, leurs préjugés
les tenant à distance de certains films.
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