PARTIE I - ELEMENTS
DE CONTEXTE : INTERVENTIONS PEDAGOGIQUES EN SALLE ET
SPECIFICITES DU PUBLIC LYCEEN
Un public familier de l’audiovisuel : enjeux de la culture
adolescente de l’image
Pour mener à bien une intervention pédagogique et culturelle
comme celle consistant à faire émerger une parole et un dialogue
au sujet d’un film, il convient de bien prendre en compte
les spécificités du public concerné. Dans cet esprit, il faut
envisager les données objectives qui le qualifient, tout en
se souciant de la perception subjective que ce public aura
de lui-même et de l’activité à laquelle il participe. De la
sorte, l’intervenant peut adapter le niveau du discours tenu
et la stratégie de communication la plus appropriée pour atteindre
les buts poursuivis, à savoir éveiller une réflexion construite
et exercer son sens critique.
En l’occurrence, les lycéens amenés par leurs professeurs
dans une salle de cinéma sur leur temps de cours partagent
plusieurs caractéristiques communes, quel que soit le type
de classe ou d’établissement. Tout d’abord, ce sont des adolescents
pris dans un cadre scolaire et effectuant une activité para-scolaire
en dehors des lieux d’enseignement habituels.
Ensuite, ils sont à un âge de la vie transitoire, entre la
sortie de l’enfance et l’entrée dans les questions adultes,
où s’exprime deux tendances complémentaires. D’un côté le
besoin de se singulariser pousse à s’affirmer individuellement.
De l’autre, cette construction identitaire les amène à développer
des formes de socialisation qui en passent le plus souvent
par l’intégration dans des groupes d’appartenance aidant à
se reconnaître et à se distinguer.
Précisément, à ce niveau, les médias audiovisuels bien conscients
des particularités de l’adolescence jouent un rôle crucial
dans la structuration des références de la jeunesse, par la
publicité, les clips musicaux, les séries et jeux télévisées,
les films pour teen-agers...
Cible privilégiée de cette offre, les adolescents scolarisés
au lycée se forgent de fait une vraie culture de l’image et
de la représentation, qui entraîne des retombées commerciales
ou des comportements sociaux et des attitudes typiques.
Pour cette raison, il appartient à des dispositifs comme Lycéens
et apprentis au Cinéma de non seulement initier à une
cinéphilie de qualité et enrichissante, mais aussi de proposer
une véritable prise de recul envers ces images animées qui
tentent si souvent à les influencer.
Leur donner les moyens de prendre conscience des méthodes
employées par les producteurs de contenus audiovisuels pour
les séduire est une condition sine qua non à la formation
de citoyens conscients et lucides, opérant des choix construits
et délibérés dans un environnement médiatique de plus en plus
mouvant et prégnant.
Cette espérance ne peut selon nous se concrétiser en prenant
à revers les destinataires d’une telle entreprise de sensibilisation
critique. Inadaptée serait une démarche stigmatisant des adolescents
moutonniers qui se délecteraient dans la consommation de masse
de produits grossiers et bas de gamme. Au contraire, accepter
de partir de là où ils en sont du fait de leurs pratiques
- et non pas de là où il leur serait fait reproche d’être
- est gage de réussir à ce qu’ils se sentent admis et respectés
et de les amener à découvrir de nouveaux horizons de sens
stimulants. Précisons que cela ne signifie pas abdiquer en
les confortant dans leur habitude. Au contraire, il devient
possible de remettre en question, et non en cause, leurs préjugés
les tenant à distance de certains films.
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