C'est particulièrement sensible avec
un film comme celui-ci où le discours même du cinéaste sur
son film est moins intéressant que le film lui-même. Pour
un film comme celui-ci, le point de vue du cinéaste vient
de deux choses : sa réflexion et sa sensibilité.
Pour voir comment il construit son point de vue, on doit d'abord
s'intéresser à la façon dont il a fabriqué le film. On verra
alors à quel point ce qu'il faut, c'est du Temps.
Il s’agit de réfléchir
sur la fabrication du film
Tout d’abord, relever les filiations avec deux cinéastes
américains Richard. Leacock et Frederic.Wiseman. Deux documentaristes
qui réalisèrent leurs premiers films dans les années 60.
Proposer aux élèves une description de la méthode Wiseman
pour en venir à Délits Flagrants.
Comment fut réalisé le financement du film ? Raconter
les obstacles levés pour obtenir les autorisations de tournage
(ce fut un très long processus, 7 ans d'attente avant d'obtenir
l'autorisation de filmer 5 semaines dans les sous-sols du
palais de Justice de Paris), sur le tournage en pellicule
avec le choix du son direct perché. Il a pu filmer le travail
de 6 substituts en tout. On verra le travail qui l'a mené
à n'en retenir que 3 au montage. Il a aussi réuni les autorisations
de filmer auprès des déférés directement. Sur les 86 qu'il
a pu filmer, il en a choisi 14.
On peut imaginer les rushes d'un
documentaire, définir leurs statuts et s’interroger sur
les choix du réalisateur.
Le cadre : il est fondamental et très réussi dans
le film. La longue pratique photographique de Depardon.
L'écran large, permis par le tournage en 35mm : les deux
protagonistes dans le même cadre, qui reprend la rigidité
du cadre judiciaire. Noter la force du hors-champ : la présence
de la police dont on ne voit que les mains et les menottes
(la fonction), les "tentatives d'évasion" de certains
prévenus au CADRE JUDICIAIRE. Ceux qui se lèvent, se rassoient,
etc.
Le son : un son direct est toujours très difficile
à prendre sans du matériel approprié et peu discret. Il
faut imaginer que dans ces conditions de confrontation,
les déférés sont souvent très intimidés et chuchotent à
peine. Il fallait donc "percher le son". Sophie
Chiabaud est la collaboratrice de Raymond Depardon sur ce
film ambitieux, une grande professionnelle qui « percha »
tout ce que le cinéma compte de célébrités…
Le montage : c'est un temps très long et c'est le
cœur du processus cinématographique. Selon Jean-Luc Godard
: " Si tourner est un regard, monter est un battement
de cœur."
C’est aussi le temps de la réflexion, du souvenir des sensations
éprouvées au tournage.