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Préparation du public

Délits flagrants (c) D.R.

En général pour commencer la séance, nous avons sollicité la participation des lycéens en posant des questions, et en les invitant à exercer leur esprit critique vis-à-vis des images et de leur propre rapport à celles-ci. Par exemple, nous avons ainsi pris l’habitude de leur demander de définir le film à l’aide de quelques mots clés. Cela avait l’avantage, outre le fait de les amener à participer, de permettre de voir ce qui les touchait et ce qu’ils retenaient du film. En même temps, c’était une première occasion de les prendre par surprise et d’éveiller leur curiosité.

Il nous a également semblé nécessaire de définir le cinéma documentaire ou plus exactement les formes du documentaire, et parmi eux, d’isoler le cinéma direct en distinguant clairement ses éléments constitutifs (principe de non intervention du réalisateur, place prépondérante de la parole des personnes filmées). Nous avons ensuite fait le lien avec Délits Flagrants concrétisant ainsi une définition abstraite et préparant un travail critique (en suggérant que le principe de non intervention du cinéaste avait ses limites)...

  Festen (c) D.R.

La question de la différence entre documentaire et fiction a également fait l’objet d’un appel à participation. C’est là aussi le type de question qui offre la possibilité de mettre le public à l’épreuve car tout lycéen peut se prononcer, ne serait-ce que pour suggérer que le documentaire serait plus « réel » que la fiction. La déconstruction de cette vision courante du cinéma documentaire permet alors de les déstabiliser (le cinéma documentaire comme le cinéma romanesque cherche à rendre compte du réel mais ni l’un ni l’autre n’y arrivent complètement car le réel est par nature insaisissable). Elle donne aussi l’occasion d’évoquer concrètement le déroulement d’un tournage de fiction versus celui d’un documentaire, et de montrer que le réalisateur dans les deux cas élabore une mise en scène, effectue des choix, prépare longuement le travail d’écriture, mais également, improvise, s’adapte et se laisse guider par son intuition in situ. Ce travail de remise en cause des idées reçues peut se poursuivre avec l’exemple de films de fiction intégrant des images documentaires ou une manière de filmer caméra à l’épaule, « à la manière » du documentaire (Jules et Jim, Festen), et l’exemple inverse de documentaires ayant fortement recours à de la mise en scène (L’Homme d’Aran, Nanouk)


Analyse du film

Une fois ces préliminaires achevés, nous avons isolé la structure du film puis cherché à mettre en évidence des éléments de mise en scène. Nous avons ainsi fait ressortir l’existence de choix prépondérants relevant au minimum d’une réorganisation consciente des éléments du tournage. En même temps que la compréhension de la structure permettait aux élèves de rentrer dans le film, elle leur donnait une vision claire des choix nécessairement subjectifs du réalisateur (sélection des prévenus, des coupes, temps de respiration et transitions, etc.), s’agissant d’un film qui pour eux se présentait comme neutre. Nous avons par ailleurs souligné les contrastes (intérieur/extérieur, fixe/mouvement, bruit d’ambiance de rue/martèlement des pas dans le couloir, etc.). Enfin, nous avons évoqué la distance de Depardon qui ne s’intéresse pas aux histoires individuelles mais à l’institution en tant que telle. Là encore il s’est agit de faire sentir qu’il y avait là un véritable choix de réalisation qui ne tombait pas sous le sens, et qui n’impliquait pas d’avantage d’objectivité qu’un autre. (Nous nous sommes également attachés au titre du film, en montrant qu’il confirmait la position de Depardon, et qu’il y avait une cohérence d’ensemble du film que l’analyse de film avait pour but de révéler, et de questionner).