DE CINEPHILE A CINEASTE
|
|
|
|
Cependant un cinéphile peut
aujourd'hui devenir cinéaste beaucoup plus facilement.
La France voit débuter chaque année 20 / 25
metteurs en scène. Cette situation était impensable
à la fin des années 40, car le système
était complètement verrouillé. Il fallait
avoir fait 30 films comme assistant avant d'espérer
en faire un soi-même ; il y avait un nouveau
metteur en scène tous les 2, 3 ans. C'était
effrayant ! Tout a changé au début des
années 60, après la Nouvelle Vague, le Centre
du Cinéma a donné de l'argent pour la réalisation
de courts-métrages ; le système d'avance
sur recettes a été créé... A
la fin des années 40, on pouvait plus facilement
être cinéphile, mais on n'en était pas
cinéaste pour autant.
(...) Au début de la Nouvelle Vague, je suis allé
chez les producteurs que je connaissais, en espérant
pouvoir faire enfin des films. On m'a alors reproché
d'être un scénariste trop connu ! Ces
producteurs n'avait besoin que d'inconnus, pour constituer
la Nouvelle Vague. J'ai alors retiré mon nom de tous
les scénarios que j'avais écrit (les films
se tournaient bien souvent plusieurs années après
l'écriture du scénario) pour redevenir un
inconnu !
Parallèlement, pour gagner ma vie, j'écrivais
des feuilletons quotidien pour la télévision,
car personne ne s'intéresse aux auteurs de télévision.
PREMIER FILM
J'avais écrit en 1953 le scénario
d'un court métrage Les derniers hivers. Il
se déroulait dans un hospice de vieux et mêlait
le tragique et le cocasse. Personne n'en voulait. En 1959,
je devais faire un court-métrage pour accompagner
Les honneurs de la guerre, un film que j'avais écrit.
J'avais posé comme condition au metteur en scène
et producteur Jean Dewever, de lui écrire son film
à condition qu'il me paye un court-métrage.
J'en étais arrivé là ! Il a accepté.
J'ai repris le même titre du scénario de 53,
mais l'histoire était différente. Jean Dewever
a tourné son film, mais il a eu des dépassements
de budget et il n'avait plus d'argent pour payer mon court-métrage.
A l'époque, Alain Resnais et Henri Colpi ont essayé
en vain de m'aider pour trouver un producteur. Je ne l'ai
finalement tourné qu'en 1969 !
LE CINEMA E(S)T LA VIE
Quand j'étais cinéphile
et critique, je ne connaissais rien de la vie. Je l'ai découvert
davantage dans la période où j'étais
scénariste. Et heureusement ! Je crois que je
n'aurais jamais pu passer directement du stade de cinéphile
à celui de cinéaste, parce que je ne m'intéressais
à rien d'autre dans la vie, je n'étais absolument
pas dans le coup. C'est peut-être pour cela aussi
que j'ai refusé des projets que m'avait proposés
des producteurs : je savais ce que je voulais faire
comme film mais non ce que cela aurait donné sur
l'écran ! Il fallait aimer la vie pour pouvoir
mettre en scène : à l'époque,
je n'aimais que le cinéma, je me foutais éperdument
de la vie ! Quand j'ai commencé à écrire
pour les autres, j'ai commencé à aimer la
vie pour la première fois. Cela m'a permis de ne
pas avoir de problèmes quand j'ai commencé
à tourner des films.
LE MELANGE DES GENRES
J'ai toujours aimé un cinéma
qui mêle le rire et l'émotion. J'aime tout
le temps changer de registre dans la mise en scène,
aussi bien que dans la direction d'acteurs. Quand j'écrivais
mes premiers scénarios, j'essayais déjà
de montrer ce balancement entre le tragique, l'humour, l'émotion,
le sourire... Mais je n'use pas de la caricature :
faire rire pour faire rire, c'est bon quand vous avez des
acteurs d'une grande puissance comique. Quand vous n'en
avez pas, cela devient tout de suite faux, artificiel...
Je n'aime pas ça. D'ailleurs, je n'essaye pas de
faire rire dans mes films ; si les gens sourient, c'est
en fonction de la distance du regard que je porte sur une
société.