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Objectif Cinéma : C'est curieux comme ces deux films sont aussi des documentaires secrets sur les acteurs qui les incarnent...

Objectif Cinéma (c) D.R.

Bruno Nuytten : Absolument, vous êtes le premier à me dire ça. Je n'ai jamais lu ça nulle part. La seule chose intéressante que j'ai découverte en parlant avec un journaliste, c'est qu'en fait je m'étais mis moi-même en scène dans l'inversion des pouvoirs : à l'issue du film j'étais devenu Camille Claudel et Isabelle Adjani était devenue Rodin. Et là je suis de plus en plus Camille Claudel, même si je ne suis pas encore à l'asile ! On n'échappe jamais aux choses délicates, fragiles, et humaines qu'on touche.

(...) Le cinéma, c'est un champ opératoire pour moi, il y a beaucoup de gens très actifs autour d'une plaie ou d'un organe à faire survivre... J'adore être sur un plateau de cinéma quand tout se passe bien et qu'on est bien entouré. C'est un rendez-vous de chirurgien, des gens sont là pour l'objet film, il y en a malheureusement de moins en moins. C'est toute une époque qui va disparaître. Et pourquoi pas ? Et tant mieux ! Et vive les petites caméras, etc... Il faut que ça vive de toute façon. Je comprends très bien les directions prises par Godard... Pour y arriver, je crois qu'il faut en être passé non pas par le maximalisme mais par d'autres choses. Se livrer directement au minimalisme en sortant de la Femis, ça vous laisse dans un couloir très étroit... Alors il faut beaucoup beaucoup de talent...


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : On peut citer la trajectoire d'Alain Cavalier passant peu à peu de films conçus de manière "traditionnelle" à une logique nettement plus minimaliste

Bruno Nuytten : Oui, et il en parle très bien justement, de sa chambre, sa mansarde et sa petite caméra Hi8. C'est un "homme sans enfants", même s'il a une fille. Il y a quelque chose d'un peu monastique dans son choix minimaliste actuel, qui à mon avis donnera lieu à des choses passionnantes. Mais qu'on verra où ? C'est moins clair. Arte ne durera pas éternellement sous sa forme actuelle. Arte, c'est une illusion politique qui perdure. Un mauvais coup et Arte disparaît. C'est une chaîne très fragile. Il faut être vigilant.


Objectif Cinéma : Patrick Leboutte de la revue "l'image le monde" pense qu'un cinéaste doit être comme un boulanger faisant son pain : il doit travailler tous les jours. Qu'en pensez vous ?

Objectif Cinéma (c) D.R.

Bruno Nuytten : Je rêverais de pouvoir faire ça mais j'en suis incapable. Je ne suis pas d'accord avec ça. Le romanesque n'est pas une chose quotidienne, c'est un principe d'accumulation de choses, il faut apprendre à garder beaucoup, mais ce n'est pas en filmant qu'on garde, à mon avis. Je pense plus à des notes prises au hasard sur un bout de papier ou à des choses qu'on raconte parce que c'est la seule façon de s'en souvenir. J'aimerais pouvoir accumuler les images, c'est une façon de se désinhiber totalement. Pas pas rapport aux instruments, qui sont simples, mais par rapport à l'idée de filmer quelque chose, de mettre quelque chose dans un cadre qui parle ou qui fait du bruit C'est une chose qui me parait extrêmement compliquée. J'ai d'ailleurs toujours ressenti ça comme quelque chose de "dégueulasse", sauf si on se pose vraiment la question de savoir pourquoi ça pourrait être ou non "dégueulasse". Mais c'est difficile, quelquefois on n'a pas la réponse. Et l'urgence fait qu'on a besoin d'y aller de toute façon. Mais après quand on revoit ce qu'on a filmé sur une table de montage, on se pose de drôles de questions sur son utilité : pourquoi montrer ça et pouquoi le montrer comme ça...