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Objectif Cinéma : Il y a un aspect clairement mélancolique dans votre film si on se place du point de vue de la petite fille devenue grande à l'origine du flash-back..

Comment va t-elle vivre avec cette histoire ? Je mets en relation le plan final de "passionnément" avec ce plan presque documentaire de la petite fille au 14 juillet filmée avec son père lors de la fête...

Bruno Nuytten : Non seulement vous avez raison mais en plus je voulais mettre la même musique, mais cela ne marchait pas. Je l'ai d'abord monté avec la chanson de Jean Sablon qu'on entend sur la séquence où on voit la fille et le père ensemble pour la dernière fois. Autant ça passe dans le bal du 14 juillet parce qu'elle est kitch, dans le panoramique c'était plus juste, ça éclairait davantage la séquence mais c'était moins libératoire. Si j'avais eu les moyens, j'aurais acheté les droits d'un titre de Lenine, quelque chose de très dansant, de très actuel mais les transactions avec les éditeurs de musiques brésiliennes sont extrêmement complexes. J'ai essayé de mettre la chanson de Piaf mais ça introduisait l'idée que Faustine allait retrouver Loïc à la fin du plan. Je n'aimais pas cette finalité, je préférais le personnage libre de faire ce qu'il voulait. J'ai donc mis cette musique sans queue ni tête mais qui est déjà dans le film lors de la séquence du dîner où tout le monde se fait la gueule.


Objectif Cinéma : Comment le film a t-il été reçu par l"équipe et le producteur ? Quelles ont été leurs réactions ?

Bruno Nuytten : Le film a été fini il y a plus d'un an, fin avril 99. J'ai d'abord fait une projection pour le producteur Jean-Louis Livi, quelques techniciens et les acteurs. J'ai vu des acteurs absolument enchantés d'avoir participé à ce film, j'espère qu'ils le sont toujours malgré l'échec, et j'ai vu un producteur très heureux. A partir de là, le film n'est pas sorti. Il était d'abord question de le sortir le 31 juillet 1999 dans trois salles. J'avais l'impression que ce n'était pas juste, j'ai résisté. Autant mettre le film à la poubelle. J'ai réussi à faire changer d'avis le producteur. Tout cela s'est fait dans des réunions auxquelles je n'étais pas convié. Je n'ai jamais rencontré les gens d'Océan Films mais c'est vrai que je n'ai pas cherché à les rencontrer non plus. Le film devait ensuite sortir en janvier, puis non, etc, jusqu'au 31 mai 1999.


Objectif Cinéma : Il est resté un an au placard en fait

Bruno Nuytten : Oui. Et il aurait pu y rester...


Objectif Cinéma : Plus longtemps ?

Bruno Nuytten : Non, ça coute de l'argent de laisser un film au placard. Des agios couraient, ça ne fait plaisir à personne. En plus il faut que le producteur récupére son fond de soutien. Il faut qu'il sorte au moins une journée dans une salle. Ou une séance dans une salle payante. J'ai cru après le mois de janvier que le film ne sortirait pas mais les succès de Charlotte Gainsbourg dans "la bûche" et de Lanvin dans "le goût des autres", tournés tous deux longtemps après le mien et sortis avant, ont redonné une chance au film. Après Cannes, le circuit Gaumont s'est dit "pourquoi pas ? Tentons le coup pendant une semaine mais on le débarque ensuite s'il n'y pas d'entrées." Et c'est ce qui s'est passé. Il n'y a pas eu un nombre d'entrées indispensable à l'ambition du projet. Donc c'est comme s'il n'y en avait pas eu du tout. Et quitte à ce qu'il n'y en ait pas, autant qu'il n'y en ait pas du tout. Parce qu'après ça coûte de l'argent et ça n'intéresse plus personne. Au bout du compte ça va coûter de l'argent à France 3, TPS et au producteur... C'est France 3 le grand perdant dans tout ça car ils ont mis 15 millions de francs dans l'opération, ça leur fait un espace d'1h40 dans deux ans en prime time même s'il va avoir du mal à être programmé en prime time...