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Objectif Cinéma : Pourquoi "Camille Claudel" n'est pas devenu le film personnel que vous auriez voulu qu'il soit ?

Bruno Nuytten : Il l'était jusqu'à la post-production. Il a cessé de l'être avec le mixage et la musique. J'ai fait une version "film d'auteur" qui dure deux heures et qui n'a jamais été finalisée. C'était une version tellement minimaliste et intimiste, dépourvue de tous les moyens qu'on m'avait donnés. Ce n'était pas le film que Fechner avait produit, il craignait qu'on paraisse alors ridicules après l'attente qu'avait pu susciter le film. Je me suis réapproprié la version américaine. J'en ai enlevé une 1/2 heure, j'ai refait le mixage et j'ai enlevé la musique. La version américaine est ma préférée. Outre celle-ci, il y a la version en quatres épisodes pour France 2, la version de 2h50 sortie en salles, et la version courte de 2h que personne n'a vue et ne verra.


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment vous-êtes vous retrouvé à la tête de ce projet ? C'est Adjani qui vous a imposé ?

Bruno Nuytten : Non, elle ne m'a pas imposé. Je ne vivais plus avec elle depuis deux ans. On ne se voyait plus du tout. A la fin des tournages de "Jean de Florette" et "Manon des Sources", Isabelle m'a appelé et m'a parlé de ce sujet. Je ne connaissais pas du tout l'histoire de Camille Claudel. Elle a cherché des metteurs en scène et personne ne semblait alors excité de faire un film d'époque sur l'art et les artistes au XIXème siècle. Cela ne m'emballait pas non plus beaucoup au début. J'ai lu finalement différentes choses sur le personnage et j'ai pensé que cela méritait tout de même réflexion. Isabelle avait fait travailler plusieurs scénaristes sur le sujet. Je n'étais convaincu par aucun des différents traitements de l'histoire qui avaient été faits. J'ai demandé alors à Isabelle d'écrire moi-même une version. J'ai demandé à une amie américaine, Marylin Goldin, de m'aider à faire des recherches. Nous avons eu accès à tous les documents de la famille Claudel, les sculptures... J'ai ensuite écrit seul un pavé de 350 pages avec beaucoup de pire et un peu de meilleur, avec cependant une trame et surtout un personnage qui commençait à exister. C'est alors que Christian Fechner s'est engagé à produire le film et qu'il m'a alors demandé d'écrire le scénario proprement dit. C'est un scénario bâtard qui ne triche pas sur l'histoire d'amour : comme il n'y a aucune preuve d'une liaison amoureuse entre le sculpteur et la jeune fille, je ne l'ai pas raconté. C'est avant tout un portrait d'Isabelle. Je pouvais montrer ce que je savais d'elle.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Comment expliquez-vous le fait que Isabelle Adjani n'ait pu tourné beaucoup de films depuis celui-ci ?

Bruno Nuytten : En plein milieu de l'écriture du scénario de "Camille Claudel", est arrivée cette histoire de rumeur qui a déclaré Isabelle atteinte du sida et mourante. Cette affaire a pris des proportions insensées : un jour "France-Soir" m'a appelé en disant "on a le cadavre devant nous, vous devez dire la vérité maintenant !" et le lendemain ils avaient préparé la nécro d'Isabelle !! La composition de la page de une était déjà faite !! Tout cela a évidemment beaucoup touché Isabelle, d'autant plus qu'on avait un ami commun, médecin, qui venait de mourir du sida. Cette rumeur est née dans un festival de Cannes à la fin des années 80 et a s'est propagée ensuite dans Paris et à l'étranger. Isabelle a essayé d'avoir des certificats médicaux pour prouver qu'elle n'était pas atteinte du sida et les médecins, le corps des infirmiers se sont faits complices de la rumeur en déclarant que leurs collègues avaient croisé Adjani avec une perruque blonde... Tout cela rayonnait autour de Marseille principalement.