Objectif Cinéma : Vous
avez écrit Tueur à gages avec votre épouse
alors que vous aviez jusqu'ici l'habitude décrire
seul. Qu'est ce que cela a changé ?
Darejan Omirbaev : Ma
femme participe toujours à mes uvres, même
si son nom n'apparaît pas toujours sur les génériques.
Objectif Cinéma : Comment
travaillez-vous ensemble ?
Darejan Omirbaev : C'est
un long processus fait de petits détails. Elle me
sert de témoin, je peux tester sur elle tout ce que
je veux écrire. Elle me fait profiter de son intuition
féminine.
Objectif Cinéma : Est-ce
que l'étape de l'écriture d'un scénario
vous enchante ?
Darejan Omirbaev : Effectivement,
inventer un film est un plaisir. D'autre part, je ne suis
pas quelqu'un qui marche à l'improvisation, qui boit
un coup, qui sort quelque chose de génial et qui
le relis le lendemain matin en ne voulant rien ajouter ou
enlever. Comme tant d'autres probablement, je fonctionne
de la manière suivante : plein de petits détails
me marquent dans ma vie quotidienne et la somme de tous
ces détails fait que l'idée d'un film mûrit
et prend forme.
Objectif Cinéma : Tueurs
à gages est aussi un film de genre : est-ce que la
forme narrative très codifiée que vous avez
choisie et détournée était pour vous
la meilleure pour évoquer la déliquescence
de la société kazakhe ?
Darejan Omirbaev : Vous
savez, il y a des sujets qui attirent la pellicule. Ce sont
des sujets d'ordre criminel avec poursuites, meurtres, bagarres...
Un livre de Sigfried Kracauer, La nature du cinéma,
décrit très bien ce phénomène.
Même le film américain le plus débile
qui soit, mais pourvu de bagarres et de poursuites, sera
attirant. C'est peut-être pour cela que ce genre existe
toujours dans le cinéma. C'est loin d'être
suffisant pour moi, mais c'est une autre histoire..
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Objectif Cinéma :
Mais était-ce pour vous la forme la plus adaptée
à ce que vouliez dire ?
Darejan Omirbaev : Oui,
peut-être. Effectivement, vous avez raison. Il y a
une chose qui me vient à l'esprit : en russe, par
exemple, on parle de killer, d'où le nom de mon film
(le titre international de Tueur à gages est Killer,
ndlr) ; le mot " tueur à gages " existe
bien dans la langue mais le mot killer qui est américain,
recouvre la réalité des films noirs des années
30 et colle parfaitement à la réalité
actuelle.
Objectif Cinéma : La
disparition du personnage principal de Tueur à gages
est-elle inéluctable ?
Darejan Omirbaev : Non,
c'est la réalité qui veut qu'on tue celui
qui exécute un contrat : il était destiné
à disparaître. Le film est tiré d'un
fait divers sanglant : un journaliste avait été
assassiné et on a beaucoup parlé à
cette occasion des pratiques du Milieu. On a affiché
partout des portraits du tueur parce qu'il y avait eu des
témoins, mais les gens disaient à l'époque
qu'on ne le retrouverait jamais. C'est alors qu'on m'a expliqué
les pratiques de ce milieu-là.