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Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Tueur à gages est plus insolite qu'onirique. Je pense à deux personnages précis qui sont réalistes et irréels à la fois : l'homme au sifflet dans le bus et le mafieu qui prête l'argent.

Darejan Omirbaev : Cela recouvre assez bien la mentalité kafkaïenne mentionnée au début de notre entretien.

Objectif Cinéma : Très souvent dans vos films, des scènes très longues où le temps paraît suspendu, alternent avec des moments brusques et inattendus. J'en veux pour exemple la première scène de Kaïrat. Quelle a été sa genèse ? Comment s'est-elle construite ?

Darejan Omirbaev : Connaissez-vous la célèbre scène de Tchekhov sur le fusil : " sil est là au premier acte, on est sur qu'au dernier acte de la pièce, il y aura une détonation ".

  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : On retrouve souvent ce type de construction temporelle dans vos films. C'est presque musical.

Darejan Omirbaev : Vous êtes au stand de tir, vous fixez, vous visez, puis il faut bien tirer à un moment donné.

Objectif Cinéma : Lorsque vous travaillez sur le montage, comment créez-vous cette musicalité ?

Darejan Omirbaev : Il y a plusieurs façons de travailler le montage. Avant de venir en France, je relisais un livre d'Eisenstein sur le montage où il décrit la controverse qui l'opposait à Poudovkine. Celui-ci disait qu'au montage, il faut qu'il y ait une cohésion entre deux moments, théorie à laquelle s'opposait Eisenstein pour qui il fallait obtenir la confrontation au montage. Le montage est spécifique à l'œuvre cinématographique. Par exemple, un photographe n'a pas ce moyen à sa disposition. Puisque Dieu nous a donné ce moyen pour faire du cinéma, autant l'utiliser, sinon c'est comme un boxeur qui ne boxerait que dune seule main.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : Le montage vous permet de faire chevaucher la réalité et le rêve.

Darejan Omirbaev : Prenez le coup de foudre entre Anna Karénine et Bronski à la gare, c'est une scène qu'il serait impossible de montrer par la photographie, c'est une chose purement cinématographique.

Objectif Cinéma : Est-ce que pour Kaïrat, vous avez modifié au montage certaines séquences initiales?

Darejan Omirbaev : Les idées de montage sont déjà à l'origine du film. Soit on a son film entier dans la tête, soit on fait une autre histoire, mais ce n'est pas comme cela que je vois les choses.

L'idée de Kaïrat vient d'un plan que j'avais dans la tête : une fois, je suis entré dans un bâtiment et des pigeons se sont envolés brusquement. Je me suis dit que cela méritait de faire un film, et c'est comme ça que le montage était déjà dans ma tête quand j'ai commencé à tourner. Mais je n'invente rien : si vous prenez des films des années 20, comme dans celui de Dovjenko où l'on tire sur un personnage : on ne voit pas le personnage mais les chevaux qui se retournent à la détonation. C'était du cinéma muet. Et peut-être que l'imperfection des moyens techniques de l'époque ont amené les réalisateurs à trouver les moyens d'expression propres à cette époque. Cela a rendu le montage assez créatif. Les principales idées, les innovations de montage ont été trouvées à cette époque du cinéma muet.