Objectif Cinéma :
Comment as-tu rencontré tous
ces gens, est-ce le fruit du hasard ou as-tu prospecté
?
Christophe Otzenberger : J'avais
un assistant qui était chargé de faire un
travail de prospection. Pour les flics par exemple, il existe
un véritable protocole, on ne peut pas les interroger
comme ça, sur le vif. On doit faire une demande à
la Préfecture de Police. Lors des repérages,
nous avons discuté avec le patron de la BAPSA [Brigade
d'Assistance aux Personnes sans Abris, ndlr] qui m'a eu
l'air d'être quelqu'un de bien. Je me suis dis qu'on
allait avoir des bons flics, ce qui n'était pas sans
flatter mon côté républicain, très
content d'avoir un bon flic, cela même si je ne suis
pas dupe : ils m'ont donné les meilleurs. Je ne vais
pas faire d'angélisme non plus, mais tous ceux qui
sont dans le car, farouchement anti-Front-National au demeurant,
sont des gens qui pensent, et qui pensent bien de surcroît.
Ces flics pensants j'étais très content de
les avoir trouvé.
Objectif Cinéma : Et
la femme qui discute lors de la procession de Saint Nicolas
du Chardonnais ?
Christophe Otzenberger :
Nous faisions des repérages
et cette femme et venue. Elle voulait parler, et nous raconte
son RMI. On a donc pris son numéro de téléphone.
Et quelques jours plus tard, nous l'avons retrouvée
Gare de Lyon. Par le plus grand des hasards. Le film est
plein de ces rencontres inopinées.
Objectif Cinéma :
Les univers violents que tu décris
n'ont-ils jamais fini par te dégoûter ?
Christophe Otzenberger :
A vrai dire, je ne sais pas comment
je tiens. C'est une question que se posent tous les gens
qui me côtoient . En même temps l'objectif éloigne.
On filme certaines choses tout en sachant qu'elle sont sublimes,
et puis on passe à autre chose parce qu'il y a le
film à faire. Il m'est arrivé d'être
bouleversé par une de ces rencontres, et de retourner
dans le camion parce j'avais le film à terminer.
Puis de remettre ça le lendemain. Il y a, je pense,
une notion de travail qui permet de tenir. Je vais bientôt
commencer un film sur les avocats commis d'office. Je vais
suivre un type depuis son arrestation jusqu'à son
arrivée en prison, avec toute la machine judiciaire
qui s'abat sur lui. Tout cela ne dure jamais plus de 36
heures. Il se fait arrêté à 17 heure,
arrive au tribunal le lendemain à 13 heure 30, jugé
à 17 heure 30. A 20 heure il est emprisonné.
Je me pose la question de savoir comment je vais réussir
à tenir, pas physiquement, mais moralement.
Objectif Cinéma : Au
sujet de La conquête de Clichy, Daniel Karlin a dis
qu'il trouvait cela un peu poujadiste et que tu passais
trop ton temps à filmer les poils de nez des gens.
Que penses-tu de cette réflexion ?
Christophe Otzenberger : Je
n'ai pas envie de polémiquer avec un homme qui ne
fait pas de films mais des repérages pour des thèses
universitaires. Ses films sont mauvais, je le lui ai déjà
dit, il ferais mieux d'écrire des livres. Sa série
sur le chômage serait magnifique si elle n'était
pas filmée.