Objectif Cinéma :
Il y a beaucoup de musiques dans
vos films et elles sont souvent bien utilisées...
Goran Paskaljevic : J'aime
écouter la musique mais je ne joue d'aucun instrument,
je ne sais pas chanter... Et comme tous les gens qui ne
savent pas chanter, j'ai besoin beaucoup plus de chanter
! J'utilise la musique par les sentiments. Pour Tango
argentino, le personnage était d'abord dépeint
comme un chansonnier. C'est en rentrant d'Argentine, pris
par l'émotion du tango, que j'ai décidé
de changer. J'ai rajouté dans le scénario
l'histoire qu'il raconte au jeune garçon, son passé
de grand chanteur argentin qu'il niera totalement à
la fin. Tout a très bien fonctionné et le
tango argentin a donné son nom au film. J'utilise
très souvent la musique contre les courants, contre
la logique, comme je la sens. J'écoute toujours de
la musique quand j'écris un scénario. La musique
est importante dans les films que je fais mais il ne faut
pas l'utiliser trop souvent. Il faut savoir affirmer le
silence.
Objectif Cinéma :
L'utilisation de la musique se rapproche
notamment rythmiquement du montage..
Goran Paskaljevic : J'ai
monté moi-même tous mes documentaires, je continue
à faire le montage de mes films. J'ai eu la chance
de travailler avec une grande monteuse yougoslave qui est
morte l'année dernière. Elle s'appelait Olga
Skrigin. Elle ma appris à réfléchir
sur le montage, que le montage est beaucoup plus important
que de suivre un rythme, de faire un rythme extérieur
avec les images. Il faut vraiment suivre lintérieur
des scènes. Je lui laissais une très grande
liberté, nous discutions beaucoup, mais je décidais
quand même à la fin si on n'était pas
d'accord. Au montage, il faut être capable parfois
de sacrifier une scène, car même si elle est
forte, elle peut embarrasser le film. J'ai souvent sacrifié
des scènes parce quelles n'allaient pas dans le même
sens que la pensée et l'émotion du film. Il
y avait un manque de cohérence. Il faut vraiment
avoir le cur de sacrifier les belles scènes,
surtout lorsque vous faites votre premier film et que vous
adorez chaque plan tourné. Olga ma appris que ce
qui comptait le plus, c'était le film dans sa totalité,
ce qui va rester J'ai tourné L'Amérique des
autres à New-York, avec une équipe de 120
personnes, 12 jours en extérieurs, puis on est parti
au Mexique avec une équipe réduite avec 12
personnes, enfin on a reconstitué toute la cour d'intérieur
de l'immeuble new-yorkais dans un studio à Hamburg,
parce que le financement était divers. On a aussi
tourné en Grèce. A chaque fois, changement
d'espace, changement d'équipe technique. C'était
un cauchemar. Je tenais absolument qu'à la fin on
ne sente absolument pas tous les problèmes qu'il
y avait eu derrière. Ce qui compte, c'est le film
qui reste après. Si vous n'êtes pas sûr,
il faut prendre un peu le temps de réfléchir
plutôt que de couper ou de se forcer à faire
un rythme parce que le producteur a dit que c'était
un peu long.
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Objectif Cinéma :
Est-ce qu'il est facile par exemple
pour un film comme L'Amérique des Autres de
rester indépendant, lorsqu'il y a autant de sources
de financement différentes...
Goran Paskaljevic : Il
y avait trois producteurs (anglais, français, allemand),
ce sont des gens vraiment bien, très honnêtes.
Quand j'ai fait le montage à Londres, ils venaient
voir où en était le film, et c'était
assez rigolo pour moi car ils étaient pleins de bonnes
intentions : l'un voyait une scène et me disait que
c'était trop long, qu'il fallait accélérer.
Le lendemain arrivait un autre producteur qui disait exactement
le contraire. Chacun voyait différemment le film
tant qu'il n'était pas d'un seul morceau. Je demande
très souvent lavis des autres, pendant toutes les
étapes de réalisation d'un film, mais je décide
toujours à la fin.