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Objectif Cinéma : Comment s'est passé le tournage des scènes avec Maria Casarés ?

Goran Paskaljevic : Elle n'avait pas tourné de films depuis dix ans et plus, mais comme elle avait adoré Tango Argentino, elle a accepté. Sur le tournage à Berlin, elle avait des problèmes car elle devait parler anglais et elle n'y arrivait pas. Elle ne maîtrisait pas assez bien la langue. Elle était tellement tendue quelle n'arrivait pas à jouer. Je lui ai alors dit de parler espagnol. Pour certains plans, elle parlait espagnol, pour d'autres, elle était cadrée en plans serrés et lisait son texte (hors-champ) en anglais. Le producteur anglais s'arrachait les cheveux, il me disait comment va t-on vendre le film si il n'est pas parlé anglais ? Je lui répondais qu'on ne vendrait jamais le film si Maria Casarés n'était pas bonne dans le film et si on n'y croyait pas.

C'est tout à fait naturel qu'une espagnole parle à son fils en espagnol ! Elle était vraiment touchante dans ce film ! Mais chaque film est une bagarre, avec les circonstances...


Le Temps des miracles (c) D.R.

Objectif Cinéma : Vous êtes obligé de passer par la coproduction aujourd'hui ?

Goran Paskaljevic : La plupart des films aujourd'hui en Europe sont de petites coproductions. A Eurimages, ils ont considéré que L'Amérique des autres était un bon exemple de coproduction européenne. Mais la plupart du temps, les coproductions européennes se montent facilement si vous avez une histoire avec une princesse anglaise qui tombe amoureuse d'un allemand et qu'ils vont passer leurs vacances en Italie ! Les trois pays sont contents, vous donnent de l'argent, et le film est une merde ! Les histoires sont conçues uniquement dans l'optique d'une coproduction. J'ai actuellement un scénario Sur un baril de poudre, que je dois faire absolument à Belgrade, avec des acteurs yougoslaves. La France veut coproduire ce film, mais il faut trouver d'autres pays. Certains acceptent de financer le film à condition que la post-production se fasse chez eux, mais la post-production ne peut pas être disséminée en trois endroits différents, et les représentants des pays ne vont pas défendre votre film sils voient que rien ne sera dépensé chez eux. Cela vous pousse vers la coproduction où le scénario n'est pas le plus important. Cela vous pousse à faire des compromis avec l'histoire. Pour L'Amérique des autres, j'ai décidé de faire tous les compromis possibles : alors qu'on tournait en Allemagne, on a même pas pu ensuite utiliser le laboratoire de développement, situé à 50 mètres du studio, parce que c'est Paris qui avait payé le développement et pareil à Londres parce que les anglais avaient payé le montage et une partie de la post-production. Mais tout ça se passe derrière la caméra. Si on avait exigé que le personnage espagnol de Maria Casarés soit remplacée par une actrice allemande pour des problèmes de coproduction avec l'Allemagne, je n'aurais pas fait le film. J'ai choisi une espagnole parce que, comme les Monténégrins, n'ont pas un quartier propre à New-York, contrairement aux italiens ou aux chinois par exemple. Ils sont tous seuls. Je réaliserai ce projet de film Sur un baril de poudre si je n'ai rien à changer dans le scénario. On me demande déjà de tourner ce film en anglais, ce qui est aberrant !


Objectif Cinéma : Ce projet revient sur la guerre en Ex-Yougoslavie ?

Goran Paskaljevic : Pas sur la guerre. C'est un film sur Belgrade, une histoire de violence dans la ville, la nuit de la signature des Accords de paix de Dayton. Des petites scènes de violence s'enchaînent. Dans chaque scène, le personnage secondaire intervient au premier plan dans la scène suivante. Je vais parler de ce qui s'est passé dans mon pays la Serbie, pendant cette guerre, nous qui étions tous considérés comme les méchants. Je vais parler du Mal dans mon propre pays. Je ne vais pas dire untel est coupable, nous sommes plus ou moins coupables que l'autre, etc...