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Objectif Cinéma : Quels étaient vos rapports avec les autres cinéastes de l'Est, notamment soviétiques : Tarkovski, Paradjanov...

Juraj Jakubisko : Je connais leur travail. J'ai rencontré Paradjanov à Munich - une des rares fois où on la laissé sortir d'URSS... Tarkovski était un homme assez compliqué, peu communicatif. Paradjanov était quelqu'un de très intéressant, doté d'un humour assez extraordinaire.

Objectif Cinéma (c) D.R.

Pour tourner en URSS, il jouait la comédie aux communistes à l'époque : pour obtenir l'autorisation de tourner, les cinéastes devaient passer devant un comité et expliquer leurs films... Paradjanov excellait dans cet exercice, il savait flatter le nationalisme russe : " alors, la porte s'ouvre... la musique arrive et de magnifiques filles russes entrent en scène... après, on voit des chevaux, de fiers et forts chevaux russes, et sur une table, il y a une bouteille, une bonne bouteille de vodka russe... " leur disait-il grâce à cette faculté, il a pu faire ses films...


Objectif Cinéma : Aujourd'hui, voyez-vous les films de vos collègues ?

Juraj Jakubisko : Non. Aujourd'hui, comme partout en Europe, nous voyons des films américains. Maintenant, il est très difficile de connaître le travail des collègues de l'Est. La chance que nous avons - c'est que l'on produise en République Tchèque prés de vingt longs métrages par an dont la majorité sont des premiers films. Ces films attirent tant de spectateurs qu'ils dépassent toujours les films américains en nombre d'entrées si bien que le cinéma tchèque est financé par des fonds privés : il est indépendant de l'état. Les tchèques aiment l'art de leur pays et le soutiennent.


  Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif Cinéma : A l'époque communiste, les films circulaient-ils plus facilement d'un pays à l'autre ?

Juraj Jakubisko : Les films ne circulaient pas, sauf pour la police politique. Moi-même, j'ai eu des ennuis quand j'ai tourné Déserteurs et nomades (1968-69), principalement à cause de la seconde partie (ndlr : la seconde partie met en scène une patrouille soviétique qui se cache plus ou moins dans les montagnes, sous les ordres d'un officier alcoolique. Elle est finalement débusquée et massacrée par une section de la Wehrmacht). Cet épisode a été considéré comme antisocialiste : on me reprochait de représenter un officier toujours saoul et une armée russe inefficace... à un moment le pont qui a été miné par les russes ne saute pas.