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Objectif cinéma : Les comédiens pouvaient improviser, faire bifurquer le film ailleurs ? Le film vous échappait-il parfois et à quels moments se construisaient-ils dans le film ?

Lou Yee : De fait, il y a eu tous les cas de figures. A certains moments, je demandais à mes comédiens de respecter scrupuleusement le texte que je venais juste d'écrire, de se mettre précisément à tel endroit et de ne pas en bouger. Et inversement, je le laissais libre d'improviser. Ils décidaient ce qu'ils allaient dire ou faire, évoluant à leur propre gré dans l'espace. Il faut savoir que seule l'actrice principale (Zhou Xhun joue le rôle de Moudan/Meimei) est une professionnelle, même si elle n'a pas étudié l'art dramatique, de même pour Jia Hongsheng (Mardar). Les autres personnages sont tous interprétés par des amateurs. En fait ce sont mes amis, par exemple, le patron du bar est un ami qui a étudié la réalisation avec moi. La femme qui participe à l'enlèvement de Moudan est une productrice du film.


Objectif Cinéma (c) D.R.

Objectif cinéma : Le film est une mise en abyme du récit, celui mythique de Mardar le jeune héros qui aime et poursuit sa bien aimée donnant au narrateur, c'est-à-dire vous, la matière brute de ce film qu'il tient tant à créer. Le cinéaste, le narrateur et l'histoire de Mardar/Moudain s'indifférencie peu à peu nous offrant à voir un songe. Cette histoire est-elle une légende, une invention ? Le cinéaste ou le narrateur semble à la fois libre de la création de son histoire et en même temps comme spolié.

Lou Yee : C'est un processus complètement naturel auquel il est difficile d'échapper. Dès lors que l'on peint une histoire ou un rôle intéressant, il va de toute façon échapper au réalisateur. On écrit, on cherche et au début vos personnages sont un peu vides d'intérêt et là le contrôle s'effectue mais sans richesse aucune. Naturellement si l'histoire prend corps, elle devient captivante et là ils vont vous échapper, presque naturellement. C'est vraiment un processus très bizarre car à chaque fois que l'on s'intéresse à quelque chose d'important selon vous, et bien il vous échappe, on est débordé par cette création, par ce personnage. Ainsi, il m'est assez difficile de dire à quel moment commence le film, peut-être par dépit de ne savoir pas déterminer le début du processus du film. Réellement je ne sais pas où démarre la dynamique, alors on se dit que c'est en gros en ouvrant la caméra. C'est tout.


Objectif cinéma : Dans votre film, le narrateur, qui tient la caméra donc, déclare " la caméra ne ment pas " Or ce principe sonne faux car la suite du récit ne cesse de fabriquer du faux. Doit-on le prendre comme un acte de foi en un cinéma issu des Frères Lumières, qui savaient jouer eux aussi de l'artificiel du monde présent ?

Lou Yee : Je dis le contraire juste avant de déclarer " la caméra ne ment pas ". Pour moi, ce sont deux vérités. On est tout le temps dans la construction à savoir la simulation lorsque l'on filme or il y a toutes les sensations, les visions du réel toutes vraies auxquelles on ne peut échapper. Le film est pris dans l'espace de cette contradiction où tout est vrai à la fois et totalement monté.